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enfant, disait Renan. Rien qui ressemble à nos soi-disant élégances. Vous rappelez-vous ce qu’on enseigne au collège ? Ne pas répéter le même mot à moins d’une bonne demi-page de distance… Varier l’expression… oh ! l’imbécile, l’exaspérant besoin de variété !… Chez les Sémites, on dit la chose, d’un mouvement, comme elle jaillit ; et on répète le même mot, indéfiniment, si c’est la même chose qu’on a vue, qu’on a sentie, qu’on a pensée.

Renan parle aussi du verset ; mais son point de vue n’est pas le nôtre. Il y a pourtant beaucoup de compréhension dans ces trois lignes :

Rien de « logiquement » nécessaire ne détermine la longueur du verset ; il correspond à ces repos que la respiration impose, lors même que le sens ne l’exige pas.

En réalité, le verset, bien que postérieur à la composition des livres bibliques, correspond au jaillissement de la pensée ; les rabbins qui l’ont établi ont été guidés avec une profonde sûreté par leur sens de Sémites.

Plus loin encore, Renan concède que les langues aryennes ont eu, à l’origine, le même caractère concret que les langues sémitiques ; mais ce qui distingue les langues sémitiques, ajoute-il justement, c’est qu’elles ont conservé ce caractère.

Reste le symbolisme, dont Renan n’avait pas à s’occuper dans une étude de pure linguistique. Il n’est pas douteux que la Bible, qui est le plus réaliste des livres, soit en même temps le plus symbolique.

Consentiriez-vous à une petite incursion sur le terrain des religions primitives, et en particulier des religions sémitiques primitives ? Renan a exposé les caractères généraux des langues sémitiques ; la connaissance des religions primitives était trop rudimentaire à son époque, ou, pour parler plus exactement, elle était trop fantaisiste[1] pour qu’il ait pu traiter utilement la question ; essayons de le compléter à la lumière des grands travaux de Robertson Smith et de ses successeurs.

  1. Rien ne reste des théories de Renan sur le monothéisme primitif