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raire a consisté à enseigner à nos jeunesses la valeur symbolique des choses, leur valeur musicale, leur valeur impressionniste.

Mais là va commencer la difficulté.

L’extrême finesse, la délicatesse quasi maladive de Mallarmé l’a conduit à ce que j’appellerai une tentative désespérée : celle d’exprimer uniquement les valeurs symboliques, musicales et impressionnistes des choses, en sous-entendant leur valeur objective ; je veux dire d’exprimer, non pas les choses elles-mêmes, mais seulement leur valeur symbolique, leur valeur musicale et leur valeur d’impression.

Un exemple est nécessaire.

L’œuvre de Mallarmé présente, en effet, une évolution régulière qui va de la forme la plus limpide à la forme la plus abstruse. Et la cause en est précisément dans cette recherche constante et de plus en plus serrée, pour se réduire à l’expression symboliste, musicale et impressioniste.

Lisons deux de ses poèmes, un du commencement, l’autre de la fin de sa carrière, de façon à nous rendre compte de la route qu’il a parcourue.

Commençons par l’un des plus anciens, les Fleurs, par exemple… Ce poème est la lumière même ; et s’il y a une seule personne qui ne connaisse pas l’œuvre de Mallarmé, j’entends cette personne se récrier :

— Est-ce là ce poète que l’on représente comme si obscur ?

Eh bien, passons au second, à un poème obscur, cette fois, que nous essaierons et réussirons à comprendre ; et cela nous conduira à nous rendre compte des raisons de cette obscurité.

Prenons le sonnet : Quelle soie aux baumes de temps…

Voici le premier quatrain :

Quelle soie aux baumes de temps

Où la chimère s’exténue
Vaut la torse et native nue

Que hors de ton miroir tu tends !

Les deux derniers vers sont caractéristiques de la manière de Mallarmé ; « la torse nue que hors de ton miroir tu tends », le quatrain suivant achèvera de préciser que c’est la chevelure de la