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musique y est à la fois dans le fond et dans la forme, dans l’idée et dans l’expression. Mallarmé nous a appris que le vers a une construction musicale, une valeur musicale, rythme et harmonie, et les symbolistes ont apporté dans le vers tout un jeu de procédés musicaux, assonnances. allitérations, leit-motifs… Mais le temps me manquerait, si je voulais aborder cet ordre de questions…


Impressionnisme. — Le temps me manquerait aussi, et aussi la compétence (car il faudrait parler peinture), pour analyser ce que je considère comme un autre caractère du mallarmisme : l’impressionnisme[1]. Mallarmé a été mieux que l’ami de Manet, de Renoir, de Monet : comme eux, il aurait rougi de décrire un objet en commissaire-priseur : il ne décrit pas l’objet, il décrit l’impression qu’il en éprouve. Ce qu’il voit dans le soleil, c’est ceci :

Tonnerre et rubis aux moyeux…

Dans l’idée, comme dans l’expression, semblablement, la description impressionniste remplace la description réaliste et se combine avec la description idéaliste et musicale.

Un exemple de cet impressionnisme ? Vous vous rappelez le premier quatrain de ce sonnet :

Surgi de la croupe et du bond

D’une verrerie éphémère
Sans fleurir la veillée amère

Le col ignoré s’interrompt.

J’emprunte l’explication à Remy de Gourmont[2] ; c’est le vase, à la panse tourmentée, au col aigu, qu’on a oublié de fleurir et qui semble, faute d’une rose, brusquement rompu.


La tentative désespérée. — Tels sont, à mon sens, les trois principaux caractères de la pensée et de l’expression mallarméennes.

A côté de sa bienfaisante influence morale, son influencé litté-

  1. Je m’expliquerai tout à l’heure sur le sens que je donne à ce mot
  2. Promenades littéraires. IV, 7.