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ment idéaliste ; nul plus que lui n‘a extrait des mythes leur signification ; et voici la glorieuse découverte qui a enthousiasmé notre génération ; ce soi-disant livret d’opéra, l’Anneau du Nibelung, était l’un des plus beaux poèmes « littéraires » qui soient sortis d’un cerveau humain. La merveille en était justement ce jeu perpétuel entre la légende populaire et le drame humain, avec, par-dessous, l'arrière-fond d’une profonde philosophie. Quant à son « écriture » poétique, avec quel enthousiasme nous reconnûmes peu à peu, dans le vers du Nibelung, le vers vers lequel je puis dire que devaient aller toutes nos aspirations[1].

En parlant de Wagner, je ne m’écarte aucunement de mon sujet, qui est Mallarmé et le Symbolisme.

Je me rappelle une anecdote de 1885.

Avant de commencer la Revue Wagnériennc, j’avais, comme de juste, établi un spécimen. J’y avais inscrit les noms des collaborateurs et parmi eux mais en grosses lettres, en « grande vedette », le nom de Mallarmé.

— Pourquoi ? me demanda Mendès.

Mendès ne comprenait pas, ou plutôt ne voulait pas comprendre, ce dont j’avais le pressentiment (encore un peu obscur), qu’une vraie revue wagnérienne devait être une revue mallarmiste.

Hélas ! ce jour-là, je n’ai pas été brave. J’ai tremblé devant l’indignation de Mendès et j’ai remis Mallarmé au rang. J’en suis encore honteux.

Mais j’ai publié le sonnet à Wagner et la Rêverie d’un poète français.

Vous ne savez probablement pas que M. Haraucourt, dans un discours prononcé en 1916, a jeté comme une insulte aux symbolistes l’influence allemande.

Voici sa formule, son exquise formule:

  1. C’est encore une question qui nécessiterait une étude entière ; je ne puis cependant omettre de concéder qu’il y a dans l’œuvre poétique de Wagner de grandes inégalités ; mais ce qui étonne surtout, c’est que le grand écrivain poétique qu’il a été n’emploie guère la prose que de la façon la plus cursive.