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(qui vécut jusqu’en 1888), cela au moment même où le symbolisme prenait son essor, et si je crois que son nom subsistera, c’est que. loin d’avoir été une publication de musicographie, elle a été éminemment une publication littéraire, cela grâce à l’effort persévérant de quelques jeunes écrivains, mes collaborateurs, et de mon grand ami le très pur, le très noble et très vénéré Houston Stewart Chamberlain.

La Revue Wagnérienne, en somme, a accompli une œuvre triple :

1° Elle a propagé les doctrines de Schopenhauer, notamment sur la musique ;

2° Elle a expliqué que Wagner était un poète autant qu’un musicien ; musicien, il suffisait vraiment d’aller au concert pour s’en apercevoir ; mais il y eut quelque mérite à faire comprendre qu’il s’agissait d’un poète, et de l’un des plus grands ;

3° C’est, la Revue Wagnérienne, enfin, qui, en la personne de son directeur — et je m’en glorifie — a conduit Mallarmé aux Concerts Lamoureux.

Ce jour-là, j’avais emmené avec lui Huysmans. Voyez les deux esprits : le symboliste et le naturaliste ! Huysmans a écrit, sur l’ouverture de Tannhauser, une page qui n’est qu’un brillant démarcage du programme que l’ouvreuse lui avait distribué ; il n’avait pas même écouté ; et il n’est jamais retourné au concert. Mallarmé y est retourné tous les dimanches ; et il a écrit le Sonnet sur Wagner et la Rêverie d’un poète français.

C’est au mois de janvier 1886 que la Revue Wagnérienne publiait en hommage à Wagner, avec le sonnet de Mallarmé (Le silence déjà funèbre…) la série des sonnets de Verlaine (un de ses chefs-d’œuvre : Parsifal a vaincu les filles…), René Ghil, Stuart Merrill, Charles Morice, Charles Vignier, Teodor de Wyzewa et moi-même.

Le retentissement en fut énorme ; à un dîner de journalistes qui eut lieu à cette époque et que présidait Auguste Vitu, on ne parla que du sonnet de Mallarmé, — pour savoir, bien entendu, s’il fallait en rire ou s’en fâcher ; mais le plus curieux c’est que la moitié des journalistes présents, Yitu en tête, avaient cru bon de s’en charger la mémoire et le récitèrent par cœur et en chœur.

J’ai nommé Wagner.

L’influence de Wagner aura été prodigieuse. Son art est entière-