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I

Mallarmé


Je ne prétends aucunement à vous présenter, même succinctement, une étude sur la vie et sur l’œuvre de Stéphane Mallarmé[1]. Il a plu à Mallarmé de vivre une vie cachée, et jamais la popularité n’est venue à quelqu’un qui l’ait moins cherchée.

Mallarmé est né à Paris, en 1842 ; tout le monde sait qu’il fut professeur d’anglais, en province d’abord, à Tournon, à Besançon, à Avignon, puis à Paris. Il demanda le pain quotidien à ce métier, à ce pénible métier, plutôt qu’à son art. Quel exemple et quelle leçon ! Ceux qui le connurent savent pourtant quelle délivrance ce fut pour lui de prendre sa retraite et avec quelle joie il se retira dans sa petite maison de Valvins, au bord de la Seine, à l’orée de cette belle forêt de Fontainebleau qu’il aima d’un profond et durable amour, et où j’eus l’insigne bonheur d’être son voisin.

Mais je ne veux ici que préciser en quoi il a été et demeure le maître de ceux qui l’ont écouté et de celui qui se glorifie d’avoir été parmi les plus pieux de ses disciples.

L’influence de Mallarmé s’est exercée en premier lieu par l’œuvre qu’il n’a pas écrite ; je veux dire l’œuvre de sa vie, l’exemple qu’il a donné aux poètes qui l’ont entouré et aux poètes de tous les temps,

  1. Voir notamment le beau livre d’Albert Thibaudet : La Poésie de Stéphane Mallarmé.