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Le Chevalier

Je suis venu du fond des brumes les plus insondables
Où m’évoqua le cri de ton âme lamentable.
Je suis la voix de ta conscience
Et me voici qui te parle dans le silence,
À l’abri des tumultes de l’existence,
Pendant le bref instant de la halte dans l’errance.
Et moi, ta conscience,
Moi, ta pensée,
Moi, ton passé,
Je le dis, ô femme, tu n’es plus
Celle que tu fus ;
Celle des jours anciens n’existe plus ;
De celle-là tu n’es que le fantôme.
Et moi, je suis aussi fantôme.
Le jour revient, la vie revient ;
Adieu ! le cours des choses indissolublement te tient.
Le passé est détruit, ton âme
D’autrefois est morte, tu es une autre femme ;
L’amante avec l’amant a connu le trépas.
Ô douloureuse créature, cherche ! et tu trouveras
Le chemin, le dur et le divin chemin
Par où ta vie aura son lendemain.
Au milieu du sort qui t’envoûte,
Cherche ! et tu trouveras la route ;
Elle peut refleurir un jour, ton âme absoute…
Femme !… ô prédestinée !… élue et paria !…