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ANTONIA

Duel froid en tout mon corps !…
Je suis frappé… je tombe… je suis mort…

Et puis, dans la béante solitude,
Voici que grouillent et bourdonnent des multitudes ;

De vagues foules confusément s’empressent,
Et sur ma détresse
Des mains, des visages inconnus s’abaissent ;

J’entends des voix,
Des cris étouffés autour de moi ;

Et des prières vers le Seigneur…
Paix, paix, paix, paix au pécheur !
 
Pitié au misérable !
Miséricorde au pauvre que la vie accable !
 
Oh ! je souffre ;
Cette plaie, c’est du soufre :
Mes yeux, c’est un gouffre ;

Cela me déchire ;
J’expire.

Homme, qui te tiens là caché,
Berger des sourires d’adversité,
Blême advenant de la fatalité,
Est-ce toi, spectre au poignard affilé,
N’est-ce pas toi qui m’as frappé ?