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L’UNIVERSITÉ DE PARIS AU XVe SIÈCLE

que la terre demeure naturellement en repos au milieu du Monde ; et il faut nécessairement qu’il en soit ainsi, parce qu’en leurs lieux naturels, les corps graves ou légers demeurent naturellement en repos ; la violence seule les peut mouvoir pour les écarter de ces lieux ; or on ne saurait assigner de force qui pût violenter la terre entière. Pour décider donc ces divers points, Buridan pose quelques conclusions. »

Tout aussitôt, Georges de Bruxelles reproduit, en les résumant quelque peu, la plupart des conclusions développées par les Questions sur les Météores de Jean Buridan. Il empêche ainsi les étudiants parisiens de la fin du xve siècle d’oublier la doctrine géologique que, plus d’un siècle auparavant, leurs aînés avaient vu naître.


F. La rotation de la terre


. Touchant l’équilibre de la terre et des mers, Georges a soigneusement recueilli l’écho de la tradition parisienne ; il a fait de même au sujet du mouvement de la terre dont il traite aussitôt avant ce que nous venons de rapporter[1] ; nous entendons de sa bouche une analyse exacte de la grande discussion qui s’était élevée entre Oresme et Buridan. Reproduisons en entier cette analyse ; elle nous paraît le mériter.

« Il faut savoir que certaines personnes ont tenu pour probable l’opinion suivante : Que la terre ne demeure pas en repos, qu’elle se meuve circulairement d’Occident en Orient, cela ne contredit pas aux expériences communes ; et, par ce moyen, les apparences célestes sont sauvées, du moins celles qui ont trait à la huitième sphère ; on explique ainsi le lever et le coucher continuels des étoiles. Bien que la huitième sphère demeure en repos, disent-ils encore, cependant chaque sphère inférieure se meut d’Occident en Orient[2], faute de quoi les conjonctions et les oppositions des astres errants ne se pourraient sauver.

» À l’appui de leur opinion, ces personnes présentent certaines raisons dont voici la première : Le Ciel n’a nul besoin de la terre ; elle ne lui sert pas à acquérir quelque perfection ; la terre, au

  1. Georgii De Cælo et Mundo, lib.II. Quæritur utrum totalis terra semper quiescat in medio Mundi ; éd. cit., fol. sign. p 3, col. c. et d.
  2. Le texte porte ici : movetur ab Oriente in Occidentem et econtra : nous pensons que cet : et econtra provient d’une glose marginale destinée à rectifier l’erreur des premiers mots ; l’imprimeur paraît avoir réuni la faute et la correction.