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L’UNIVERSITÉ DE PARIS AU XVe SIÈCLE

empêcher le mouvement ; imaginons, par exemple, entre le feu et la terre, quelque espace séparé entièrement vide ; une pierre qui tomberait à travers cet espace ne se mouvrait pas, à la fin, plus vite qu’au commencement ; ici, en effet, la vertu motrice ne serait pas plus grande à la fin qu’au commencement, et le mouvement local ne saurait, de lui-même, se perdre ni se gagner.

» Si, d’ailleurs, la vertu motrice était plus grande à la fin, ce serait surtout à cause de cet impetus qu’admettent certaines personnes ; màis on ne le doit point supposer, car on ne voit ni ce qui le causerait ni ce qui le détruirait, et cela principalement dès là que le mouvement se ferait dans le vide ; dans le cas où le mouvement se ferait dans le plein, cet impetus pourrait être détruit par le milieu résistant après que le mobile est arrivé à son lieu naturel. »

Ces tergiversations paraissent bien aboutir au rejet de la théorie admise par Buridan et son école ; de l’accélération qui s’observe en la chute d’un grave, nos auteurs semblent préférer une autre explication, celle qui invoque la résistance décroissante d’un milieu de plus en plus mince ; à l’époque de Simplicius, nombre de physiciens étaient de cette opinion ; mais, quand écrivaient Georges de Bruxelles et Thomas Bricot, il y avait beau temps que les maîtres parisiens en avaient fait bonne et rigoureuse justice.


E. L’équilibre de la terre et des mers


Georges de Bruxelles et Thomas Bricot tiennent, au contraire un langage très ferme au sujet de l’équilibre de la terre et des mers. La théorie qu’ils adoptent, c’est celle qu’Albert de Saxe avait proposée dans ses Quæstiones in libros Physicorum, qu’il avait eu la fâcheuse inspiration d’abandonner dans ses Quæstiones in libros de Cælo et Mundo, que Pierre t d’Ailly avait reprise dans ses Quatuordecim quæstiones in sphæram Johannis de Sacro Bosco. Cette théorie, d’ailleurs, ils la formulent, presque mot pour mot, dans les termes tenus par Pierre d’Ailly ; quand ils rédigeaient leur Cursus, l’ouvrage de l’Évêque de Cambrai était certainement sous leurs yeux.

La terre, disent-ils[1], n’a pas même centre de grandeur et de gravité, car elle n’est pas de poids spécifique uniforme ; les

  1. Georgii De Cælo, lib. II. Quæritur utrum totalis terra semper quiesçat in medio Mundi. Ed, cit., fol. sign. p. 4, col. a.