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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

n’est imprimé qu’un impetus petit et faible ; au commencement, donc, l’impetus n’est pas d’égale force par tout le projectile. Mais ensuite, il se renforce dans les parties éloignées ; et lorsqu’il a pris une égale force en toutes les parties du mobile, celui-ci se meut plus vite ; c’est ce qui arrive au milieu du mouvement. »


D. La chute accélérée des graves


Cette théorie du mouvement des projectiles reproduit sans réticence l’enseignement parisien de la fin du xive siècle ; elle en reproduit jusqu’aux erreurs. Combien, en traitant de la chute accélérée des graves, nos auteurs vont se montrer disciples plus hésitants et plus tièdes des Buridan, des Oresme, des Albert de Saxe ! Voici, en effet, ce qu’ils en disent[1] :

« Lorsque le mouvement naturel se produit dans un milieu uniforme, c’est-à-dire dans un milieu qui ait partout même densité, il est, à la fin, plus vite qu’au commencement.

» Cela provient de ce qu’au sein du mobile, se trouve produite une certaine qualité qu’on nomme ùnpetus ; par son action, cette qualité concourt au mouvement ; or, au commencement du mouvement, cette qualité n’existait pas ; mais plus le mobile approche du terme auquel il tend, plus fortement cette qualité concourt au mouvement ; le mouvement naturel est donc, à la fin, plus vite qu’au commencement. C’est du moins la cause que donnent des docteurs fameux.

» De ce fait que le mouvement naturel est plus vite à la fin qu’au commencement, on peut encore donner une autre cause, et c’est la suivante : Le milieu résiste davantage au commencement qu’à la fin ; au commencement du mouvement, en effet, il y a plus grande épaisseur du milieu entre le mobile et le terme auquel il tend qu’à la fin du mouvement, et le tout résiste plus qu’une de ses parties. Si, par exemple, un corps doit se mouvoir de mouvement naturel, à travers l’air, sur une longueur de dix pieds, les dix pieds d’air résisteront plus fortement que cinq pieds d’air et cinq pieds d’air plus fortement qu’un pied ; cela se voit plus clairement encore s’il s’agit de l’eau.

» Supposons, dès lors, qu’il n’y ait aucun milieu qui résiste au mobile, qui incline et concoure d’une manière active à

  1. Georgii Physicorum, lib. VIII. Dubitatur utrum motus naturalis sit velocior in fine quam in principio. Ed. cit., fol. sign. Mm 2, col. d, et fol. sign. Mm 3, col. a.