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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

À recevoir cette solution, Nicolaus de Orbellis avait presque invité son lecteur lorsqu’il avait écrit[1] : « Il faut noter cependant, que, selon la foi, le premier mobile est en un lieu per se, car, au-delà, se trouve le Ciel empyrée, dont les philosophes n’ont point eu connaissance ; quant au Ciel empyrée, il n’est pas en un lieu car, au-delà, il n’y a rien. » Mais à l’imitation de Jean le Chanoine et d’Albert de Saxe, Jean Hennon s’était formellement refusé à recevoir ce ciel immobile, destiné à contenir l’Univers.

Or, Georges de Bruxelles et Thomas Bricot admettent formellement l’existence d’une sphère suprême immobile[2] ; ils l’admettent « parce qu’au-dessus des Cieux en mouvement, les théologiens placent le Ciel empyrée » ; ils l’admettent aussi pour une raison astrologique dont Jean Hennon avait fait mention, mais à laquelle il n’avait attribué aucune valeur. « Les Cieux en mouvement, disent-ils, ne peuvent sauver toutes les apparences et diversités qui adviennent en diverses régions de la terre ; ces diversités se doivent donc rapporter à un ciel immobile qui se trouve par-delà tous les Cieux en mouvement… Il advient, en effet, que telles parties d’un ciel mobile sont maintenant à l’Orient et seront plus tard à l’Occident ; il n’y a point de raison pour qu’elles n’aient pas à l’Occident même efficace qu’à l’Orient et inversement ; il faut donc admettre un ciel immobile dont les parties soient diverses, afin de sauver cette diversité d’effets. »

Une fois admis en vertu de ce misérable raisonnement, le ciel immobile va tirer la théorie péripatéticienne du lieu de la difficulté qu’elle redoutait le plus : La sphère ultime est-elle en un lieu ?

« Sachez, dit Georges[3], que le Philosopha, par sphère ultime, entend le premier mobile… Mais, en réalité, la sphère ultime est un corps céleste absolument incapable de mouvement (simpliciter immobile) par nature, en sorte que c’est aussi un corps qui ne saurait être mis en repos (non est quiescibile). Nous dirons alors que le premier mobile, sphère ultime au gré du Philosophe, est réellement en un lieu, et qu’il en est de même de toute sphère contenue par lui… Quant au corps céleste qui est, en

  1. Nicolai de Orbellis Physicorum, lib. IV, cap. I.
  2. Georgii Bruxellensis De Cælo et Mundo, lib. II ; dubitatur utrum sint octo sphæræ cælestes. Ed. cit., fol. sign. p., col. c et d.
  3. Georgii Bruxellensis Physicorum, lib. IV ; quæritur utrum ultima sphæra sit in loco. Ed. cit., fol. suivant le fol. sign. Ff 3, col. d.