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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE


V
LOUIS XI ET LE NOMINALISME


À lire le manuel de Jean Hennon, nous pourrions penser qu’une sorte d’accord régnait à Paris entre la tradition de Duns Scot et la tradition des Nominalistes tels que Buridan ; au Docteur Subtil, Hennon demande la plupart du temps la solution des problèmes qui sont proprement métaphysiques ; d’Albert de Saxe, il tient presque tout ce qu’il dit de la Physique. En fait, cet accord était constamment troublé par de vives querelles. Contre les disciples de Guillaume d’Ockam, de Grégoire de Rimini, de Buridan, Scotistes et Thomistes faisaient bloc et, sous le nom de Réalistes (Reales), opposaient leurs doctrines à celles des Nominalistes (Nominales). Les discours de Jean Gerson nous ont fait deviner qu’entre les deux camps, les débats étaient déjà pleins d’aigreur à la fin du xive siècle et au début du xive ; tandis que ce dernier siècle poursuivait son cours, ils ne firent que croître en violence ; ils en vinrent à provoquer, dans un domaine purement philosophique, l’intervention aussi brutale que ridicule, du pouvoir royal.

Dans le combat que nous allons conter, la provocation semble être venue du côté des Nominalistes.

Dès 1340, la Faculté des Arts avait interdit à ses « suppôts » de soutenir certaines thèses occâmistes dont Faudace excessive était certainement incompatible non seulement avec le dogme catholique, mais encore avec la saine Philosophie. Or, le Venerabilis Inceptor ne manquait pas de disciples impétueux qui s’empressaient d’enfreindre cette défense.

Ainsi, en 1465[1] un certain Jean le Fèvre (Joannes Fabri) soutint, dans les écoles de la rue du Fouarre, des thèses et propositions nominalistes qui mirent l’Université en grand émoi. Quelles étaient ces thèses, nous l’ignorons. Mais nous savons que, dans son assemblée du 19 Mai, l’Université décida qu’elles seraient examinées, tout d’abord, par la Faculté des Arts, puis soumises à la Faculté de Théologie.

  1. Bulæi Historia Universitatis Parisiensis, t. V, p. 678.