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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE


E. Astronomie, Équilibre de la terre et des mers


Il n’y a rien de bien original en ce que Jean Hennon dit des Cieux et des mouvements des astres[1].

La question qu’il consacre à ce sujet est intitulée : Quæritur utrum sirit decem orbes cælestes. Elle rappelle extrêmement celle qu’Albert de Saxe a rédigée sous le même titre. Comme Albert de Saxe, notre auteur admet ce que les Tables Alphonsines ont supposé du mouvement des étoiles fixes ; il suppose donc qu’il y a dix cieux mobiles. Comme Albert, aussi, il refuse de mettre, au-delà de ces dix cieux mobiles, un ciel immobile chargé de les contenir et de leur communiquer les vertus dont ils sont doués.

Touchant l’immobilité de la terre au centre du Monde, Hennon se borne à commenter le texte d’Aristote ; de ce commentaire, il n’y aurait rien à dire si une curieuse remarque ne s’y était glissée[2]. Cette remarque vise la doctrine bien connue de Platon : C’est par raison de symétrie, c’est parce qu’elle est, de toutes parts, équidistante du Ciel, que la terre demeure immobile au centre du Monde. « Dire que la terre demeure en repos parce que, de tous côtés, elle a même distance aux extrémités du Monde, écrit notre auteur, c’est comme si l’on disait qu’une peau, fortement mais également tendue, ne rompra point, parce qu’elle ne peut rompre d’un côté plutôt que de l’autre ; ou bien encore qu’un homme ayant grand faim et grand soif, ne mangera ni ne boira, s’il est également distant de tous les mets et de tous les breuvages qu’on a disposés autour de lui. »

En la même circonstance, Dante avait usé déjà de semblable comparaison qui rappelle le légendaire âne de Buridan.

« Le lieu en lequel se trouve la mer est-il le lieu naturel de l’eau ? » Telle est la question[3] qui, au second livre des Météores, conduit Hennon à traiter de l’équilibre de la terre et des mers. Il rappelle les diverses explications qui ont été données de l’existence d’un continent. Les uns en ont donné pour raison une simple cause finale, le salut des animaux qui respirent

  1. Joannis Hennon De Cælo et Mundo lib » II ; ms cit., fol. 164, col. d, s.
  2. Joannis Hennon De Cælo et Mundo lib » II ; ms. cit., fol. 169, col. c et d.
  3. Joannis Hennon Metheororum lib II ; ms. cit., fol. 217, col. a, b et c.