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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

disons, enfin : qui se produit en milieu uniforme ; en effet si, vers le bas, le milieu résistait plus qu’en haut, il pourrait se faire que le mouvement naturel se fît, à la fin, avec la même vitesse ou avec une vitesse moindre qu’au commencement ; c’est ce que montre une pierre qui tombe d’abord dans l’air, puis dans l’eau. On pourrait même donner à un milieu une telle disposition de gravité et de légèreté que le mouvement naturel d’un corps dans ce milieu n’éprouverait ni accélération ni ralentissement. »

De cette amélioration du mouvement local rectiligne, quelle est la raison ? Notre auteur mentionne, d’abord, les anciennes explications :

« La première dit que cela provient de la vertu attractive du lieu ; naturellement, le lieu, par cette vertu, attire d’autant plus fortement le corps qu’il doit loger que ce corps est plus proche.

» La seconde dit que plus un être est rapproché de son but, plus fortement il tend à l’atteindre. »

À ces explications, Hennon oppose des raisons classiques depuis PJchard de Middleton.

« Si deux pierres égales tombaient à terre, l’une à partir d’un lieu élevé et l’autre à partir d’une plus basse position, quand elles passeraient à même distance du sol, elles devraient se mouvoir également vite, ce qui est manifestement faux.

» Si une pierre, à partir d’un lieu très élevé, faisait une chute de dix pieds et se trouvait alors arrêtée par un obstacle ; si une autre pierre semblable, à partir d’un lieu plus bas, faisait également une chute de dix pieds, on ne percevrait pas qu’un de ces deux mouvements se fît plus vite que l’autre ; dans le second, cependant, le mobile serait plus voisin de son lieu naturel que dans le premier. »

La plus ou moins grande distance au lieu naturel n’a donc rien à faire avec l’accélération qui s’observe en la chute d’un grave.

« C’est pourquoi l’on dit que, de la vitesse plus grande du mouvement naturel vers sa fin, c’est l’impetus qui se trouve acquis dans le mobile lui-même. Par son mouvement, le grave gagne une gravité accidentelle qui vient en aide à la gravité naturelle et essentielle en vue de mouvoir le grave avec plus de vitesse. Il en est de même de la légèreté. Par le fait que le corps se meut plus longtemps de mouvement naturel, il acquiert un impetus plus grand, et il se meut plus vite, à moins qu’il n’en soit empêché par une résistance plus grande que l’impetus