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L’UNIVERSITÉ DE PARIS AU XVe SIÈCLE

moteur ; malheureusement, il ne nous dit pas ce qu’il faut entendre par là. Nous avons vu[1] qu’en cette résistance, Saint Thomas d’Aquin avait entrevu la notion de masse, qu’au dire de Marsile d’Inghen[2], divers scotistes avaient, plus clairement encore, discerné cette idée ; il nous eût été agréable de savoir si, au milieu du xve siècle, la Scolastique parisienne gardait quelque souvenir de cet enseignement.

Les principes que nous venons de rappeler servent à notre auteur lorsqu’il examine ce doute[3] : « Dans le vide, un corps grave ou léger se peut-il mouvoir de mouvement local. »

Il rappelle, d’abord, qu’au gré de certains auteurs, la résistance du milieu est la seule raison qui rende successive la chute d’un grave simple ou la montée d’un corps léger simple ; mais si, dans un mixte, un élément pesant est uni à un élément léger, il y aura, dans le corps, résistance intrinsèque soit au mouvement vers le haut, soit au mouvement vers le bas ; un tel grave mixte, un tel corps léger mixte tomberait ou monterait avec une vitesse finie dans un espace vide.

Jean Buridan, Nicole Oresme, Albert de Saxe avaient développé cette thèse avec complaisance ; Hennon la repousse pour s’en tenir à l’opinion de Scot. « Un grave simple ou mixte, placé dans le vide, y tomberait de mouvement successif ; dans le mouvement, en effet, la succession ne provient pas uniquement de la résistance du milieu ; elle peut provenu’ de ce que les deux termes du mouvement sont incompossibles ; de ce que les deux termes du mouvement sont, ici, numériquement incompossibles, il résulte que le mobile ne peut pas, en même temps, se trouver en ces deux termes. »

Hennon ajoute[4] : « La vitesse de projection étant égale, d’ailleurs, le mouvement d’un projectile se ferait plus aisément dans le vide que dans le plein ; toutes choses égales d’ailleurs, en effet, là où il y a moindre résistance, il y a mouvement plus vite.

» Mais cet article touche à cette difficulté : Par quoi les projectiles sont-ils mûs après qu’ils ont quitté le moteur qui les a primitivement lancés ? C’est ce qu’on verra au huitième livre de cet ouvrage. »

  1. Voir : cinquième partie, ch. VIII, § II, t. VIII, pp. 18-20.
  2. Voir : cinquième partie, ch. VIII, § VII, t. VIII, pp. 107-110.
  3. Joannis Hennon Physicorum lib. IV, quæst. III, dubium 1 m ; ms. cit., fol. 92, col. c et fol. 93, col. a.
  4. Jean Hennon, loc. cit., fol. 93, col. a.