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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

la tache qui était en bas arrive ensuite en haut et inversement » Or si la Lune ne se mouvait pas de mouvement propre, le mouvement de son épicycle la transposerait de telle manière que sa partie inférieure deviendrait sa partie supérieure et inversement. La Lune a donc, autour de son centre, un mouvement propre en sens contraire du mouvement de l’épicycle ; entre ces deux mouvements, il y a un tel rapport qu’autant la tache serait transposée par le mouvement de l’épicycle, autant cette transposition est empêchée par le mouvement propre, Notre auteur rejette comme non valable l’objection qu’on appuierait de l’autorité d’Aristote contre ce raisonnement.

Ce raisonnement, Nicolas de Orbellis l’a textuellement emprunté à son frère en Saint François, Richard de Middleton[1] ; comme nombre de maîtres parisiens, il y a laissé subsister la légère erreur géométrique qui le déparaît. L’ordre dans lequel, à partir de la Terre, se succèdent les astres errants est l’objet de cette remarque[2] :

« Il faut savoir qu’en ce livre, Aristote, s’appuyant sur les astronomes de son temps, met le Soleil immédiatement après la Lune. On en donne les raisons suivantes : Si le Soleil était au-dessus de Vénus et de Mercure, il y aurait des éclipses de Soleil causées par Vénus et Mercure comme il y en a dont la Lune est la cause ; or on n’a jamais vu ces éclipses. En outre, lorsque ces planètes se trouvent directement entre le Soleil et notre œil, elles devraient nous paraître obscures en la surface qu’elles dirigent vers nous, comme il advient pour la Lune ; cependant, cela n’est point.

» Ptolémée qui fut, en ces matières, plus expert [qu’Aristote] met le Soleil au-dessus de ces deux planètes.

» Aux raisons contraires à cette supposition, on fait cette première réponse : Vénus et Mercure sont des corps plus subtils que n’est la Lune ; aussi la lumière qui tombe sur quelque partie de leur surface se répand-elle dans toute leur masse et suffit-elle à éclairer leur surface tout entière. On dit aussi, d’autre façon, que ces planètes sont beaucoup plus petites et beaucoup plus éloignées que n’est la Lune ; leur ombre ne peut donc éclipser le Soleil. »

Ptolémée, on le sait, avait donné une autre réponse ; les mouvements de Vénus et de Mercure étaient tels, à son gré,

  1. Voir : Seconde partie, ch. VII, § X ; t. III, pp. 487-488.
  2. Nicolai de Orbellis De Cælo et Mundo lib. II ; éd. cit., foi. sign. g ij, col. a.