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PAUL DE VENISE

Ces expériences, celle de la pipette, par exemple, ou celle de la ventouse, sont communément attribuées, dit-il[1], à la traction du vide, tractus vacui. Cette traction du vide, comment nous la faut-il comprendre ?

Paul reproduit d’abord l’explication de Gilles de Rome, « Gilles dit que cette traction des corps ne se fait pas par un principe intrinsèque, mais par un principe extrinsèque, qui est la vertu du Ciel. De même que l’aimant’attire le fer pour s’unir à lui, de même le Ciel, possesseur d’une vertu régulatrice sur la sphère entière des éléments et sur toutes les parties qui la constituent, attire les corps naturels afin que le vide ne les sépare pas les uns des autres. »

À cette explication, Paul adresse diverses objections qui l’amènent à la rejeter. « Voici donc ce qu’il faut répondre, poursuit-il : Cette traction qu’on dit faite par le vide provient d’un principe intrinsèque ; c’est un mouvement naturel qui appartient à tout corps et qui le peut mouvoir en toute direction. Le Philosophe, il est vrai, dit au premier livre Du Ciel qu’en chaque corps simple se rencontre un seul mouvement simple ; il faut entendre qu’il en est ainsi pour un corps simple considéré en ce qui lui est immédiatement propre (per se primo) et au point de vue de sa nature spécifique ; mais lorsqu’on le çonsidère en ce qui ne lui est pas immédiatement propre (per se non primo) et au point de vue de sa nature générique, un corps simple se laisse attribuer tous les mouvements. On peut, en effet, considérer un corps simple en tant qu’il est un élément d’une espèce déterminée ; de cette façon, un seul mouvement lui convient ; on le peut considérer aussi en tant que corps nature ?  ; alors tous les mouvements lui conviennent indifféremment ; ils sont en lui naturellement, par un principe intrinsèque, en vue de supprimer le vide. »

On comprend ainsi pourquoi l’eau ne s’écoule pas par les ouvertures inférieures de la clepsydre lorsque le doigt ferme l’orifice supérieur de ce vase. « Dans ce cas[2], l’eau rencontre un empêchement qui n’est pas externe, mais interne ; en effet, par son appétit spécifique, l’eau tend à descendre, mais par son appétit générique, elle tend à se conjoindre à quelque corps ; et comme elle est genre avant d’être espèce, elle tend à se conjoindre à un corps plus qu’elle ne tend à descendre. Or,

  1. Pauli Veneti Op. laud., lib. IV, tract. II, cap. III, pars I, second fol. après le fol. sign. x iiij, col. b et c.
  2. Pauli Veneti Op. laud., lib. IV, tract. II, cap. I ; fol. sign. x ij, col. b.