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PAUL DE VENISE

gence humaine, non plus que ne l’entraîne la multiplicité des hommes. Ainsi un temps numériquement identique à lui-même, c’est-à-dire une même heure, un même mois, une même année, existerait dans tous les mondes et se répandrait en tout point de tous ces mondes. »

Pour que la comparaison donnée par Paul de Venise eût quelque portée, il faudrait qu’on admît cette hypothèse de quelques néo-platoniciens : Le temps est un être séparé du Monde et qui subsiste par lui-même, tout comme, au gré du Commentateur, l’intelligence active subsiste par elle-même, séparée de toute matière. Or, « que le temps soit une substance éternelle », c’est une supposition que Paul connaît fort bien, mais qu’il rejette[1], car « une intelligence éternelle ne saurait avoir de parties ni présenter de continuité. »


V
LE VIDE



Ce que Paul de Venise dit du vide dans sa Summa totius Philosophiæ ressemble assez péu à ce qu’il en dit dans son Expositio super libros physicorum. Parcourons d’abord cet ouvrage-ci ; ensuite, nous lirons celui-là.

L’Expositio super libros physicorum entend bien soutenir, au sujet du vide, la pure doctrine d’Aristote et du Commentateur ; elle soutient que, dans le vide, la chute d’un grave ne pourrait durer un temps si petit soit-il ; cette chute serait instantanée : elle reproduit[2], à l’encontre de cette opinion, la théorie qu’Averroès attribue à Avempace, mais que celui-ci tenait de Jean Philopon ; contre cette théorie, elle fait très longuement valoir les objections d’Averroès ; elle conclut que la cause en vertu de laquelle un tel mouvement est successif se trouve, tout entière, dans la résistance du milieu ; elle avait soin, d’ailleurs, d’emprunter[3] au Commentateur cette objection : Si la théorie d’Avempace était véritable, « il en résulterait cette absurdité (inconveniens) que deux corps dont l’un

  1. Paul de Venise, cap. cit., fol. sign. z, col. b.
  2. Pauli Veneti Expositio super libros physicorum, lib. IV, tract. II, cap. III, pars II, fol. sign. xx ij, col. a, b, c, d et fol. xxiij, col. a, b et c.
  3. Paul de Venise, loc. cit., fol. sign. xx iij, col. d.