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PAUL DE VENISE

Ciel entier se meut constamment secundum formam en décrivant sans cesse un cercle nouveau autour du centre du Monde ; s’il entend par centre le centre mathématique, on peut admettre encore que le Ciel se meut de mouvement formel ; de même, en effet, qu’il décrit sans cesse une nouvelle ligne droite menée de la circonférence au centre, de même il décrit sans cesse un nouveau cercle autour du centre du Monde. » Ici, Nicoletti sollicite d’étrange façon, en faveur de sa théorie du lieu du Ciel, un commentaire d’Averroès[1] relatif à un passage d’Aristote. Le centre dont Aristote exigeait l’immobilité pour que le mouvement du Ciel fût concevable, c’est, à n’en pas douter, le centre naturel, la terre.

L’idée absurde qu’un point indivisible, le centre du Monde, peut servir de lieu à l’Univers, de terme fixe à tous les mouvements qui s’y produisent, est une idée particulièrement chère à Paul de Venise. Nous l’avons entendu esquisser cette idée dans la Summa totius philosophiæ, la formuler avec précision dans l’Expositio super libros physicorum ; mais il est un ouvrage ou il l’a développée avec un soin tout particulier ; c’est celui qui mit fin, sans doute, à sa carrière littéraire, c’est l’Expositio prædicamentorum Aristotelis, achevée le 11 Mars 1428 ; dans cet ouvrage, la pensée dont nous parlons s’est développée au point d’embrasser la théorie du lieu tout entière ; cette inacceptable théorie est bien l’œuvre et la propriété de Paul ; cependant, il tient à la mettre au compte d’Aristote et d’Averroès. Laissons-lui la parole[2].

« Le Commentateur appelle lieu composé la surface qui enveloppe le corps ; quant au lieu simple, c’est, dit-il, le centre indivisible et mathématique du Monde. De même, en effet, que le feu se meut vers la concavité de l’orbe lunaire comme

  1. Aristotelis De physico auditu libro octo cum Averrois Cordubensis Commentariis ; lib. VIII, comm. 76.
  2. Pauli veneti universalia Sexque principia. — Colophon : Expliciunt predicamenta aristot. exposita per me fratrem Paulum de venetijs artium liberalium et sacre théologie doctorem ordinis heremetirarum beatissimi augustini, etc. Anno domini M ccccxxviij die xi martij. — Que postmodum diligent ! examinatione révisa fuerunt atque correcta cum originali manu propria ipsius doctoris scripto per venerabilem Virum Magistrum Jacobum de mantua sacre pagine professorum eiusdem ordinis herémitarum : ac etiam nunc Priorem conventus sancti stephani de Venetijs cuîus epistola extat in fronte operis Ad Nicoletum verniatem theatinum philosophiam ordinarie padue legentem. — Impressa Venetiis per Bonetum Locatellum bergomensem. sumptibus nobilis viri d. Octaviani Scoti civis Modoetiensis. Anno ab incarnatione Jesu Christi Domini Nostri nonagesimo quarto supra millesimum et quadringentesimum. nono calendas octobres. — Êxpositio prædicamentorum Aristotelis, capitulum de ubi, primum notandum, fol. 115, coll. b et c.