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PAUL DE VENISE

ments célestes et terrestres, est précisément celle qu’adoptera Copernic.

Paul de Venise, poussant plus avant ses hypothèses, aborde[1] la question que Duns Scot avait formulée et à la suite de laquelle il avait prononcé ses mots : « Cherchez la réponse — quære responsum. »

« Lors même, dit-il, que Dieu anéantirait le Monde entier à l’exception de la sphère suprême, cette sphère se mouvrait encore de mouvement local ; non pas, sans doute, de mouvement relatif au locus situalis ; la partie du Ciel qui était à droite viendrait à gauche, celle qui est à l’orient ou au midi viendrait à l’occident ou au nord, ou inversement ; tout cela ne pourrait arriver si le Ciel n’était animé d’un mouvement consistant en un changement de situation. »

Dire que la partie du Ciel qui était à droite vient à gauche, cela suppose que le mouvement du Ciel est contemplé par un être qui a une droite et une gauche, et qui demeure immobile ; la proposition formulée par Paul Nicoletti n’a donc de sens que s’il existe quelque part un terme* fixe et étendu, où se puissent marquer une droite et une gauche, un orient et un Occident, une extrémité septentrionale et une extrémité méridionale. Où notre auteur va-t-il prendre ce terme fixe et étendu ? Aristote et Averroès voulaient que ce fût la terre ; mais, par hypothèse, la terre est anéantie. Damascius, Simplicius et les Terminalistes parisiens prétendent que c’est un corps abstrait, un pur être de raison ; il semble que Paul de Venise ne puisse éviter de se ranger à leur avis. Cependant, il n’en fait rien. Par une étrange aberration, dont nous avons déjà relevé la trace en analysant les théories de la Summa totius philosophiæ, ce terme immobile, au moyen duquel on doit pouvoir distinguer la gauche du Ciel de la droite, la zone boréale de la zone australe, il la réduit à un simple point indivisible, au centre mathématique de l’Univers ! Burley, par inadvertance sans doute, avait incidemment énoncé cette erreur ; Paul de Venise la professe nettement et avec insistance ; écoutons-le plutôt[2] :

« La sphère suprême est en un lieu accidentel, et cela en raison de son centre… À cette proposition, on peut faire l’objection suivante : Si le centre était, comme le Ciel, animé d’un

  1. Paul de Venise, loc. cit.
  2. Pauli Veneti Expositio super libros Physicorum : libri quarti tractatus primus, capituli quarti notandum octavum.