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PAUL DE VENISE

l’autorité du texte que l’on emprunte au De motibus animalium pour soutenir que tout corps mobile requiert l’existence d’un corps fixe ; Aristote, dit-il, parlait seulement du mouvement de progression qui, en effet, exige un appui. D’ailleurs, s’il repousse cette autorité, ce n’est point pour réfuter l’argument qui, du mouvement du Ciel, conclut à l’immobilité de la terre. L’argument qu’il se propose de combattre, c’est celui par lequel Campanus et Pierre d’Ailly prétendaient démontrer l’existence d’un Ciel suprême immobile, lieu de tous les orbes mobiles.

Le mouvement du Ciel exige l’immobilité de la terre ; Paul Nicoletti adopte cette conclusion et, pour l’établir, il invoque la raison proposée par Jean de Jandun : la perpétuité de la génération et de la corruption des êtres vivants, qui suppose des influences célestes constamment variables. Albert de Saxe avait montré que cette raison, à supposer qu’on la regardât comme fondée, exigeait seulement un mouvement relatif du Ciel à l’égard de la terre,[1] sans rien apprendre au sujet dû mouvement ou du repos de cette dernière ; de cette remarque si visiblement vraie, Paul Nicoletti n’a cûre.

La Summa totius philosophiæ de Paul de Venise est un manuel scolaire ; ses défauts sont bien ceux qui caractérisent une foule de manuels, en tous temps et en tous pays ; des formules de provenances diverses y sont juxtaposées dans un ordre artificiel qui n’en dissimule nullement le disparate et l’incohérence ; afin d’être plus concises et plus résumées, ces formules ont été vidées des pensées qui les faisaient vivre ; rigides, sèches et plates, elles s’entassent aisément dans l’esprit de ceux qui pensent avoir acquis des idées lorsqu’ils ont appris des mots ; et comme ceux-là sont légion, les livres qui leur conviennent sont toujours assurés d’avoir grande vogue. Pour concevoir, au sujet du lieu, des idées étrangement désordonnées, Paul n’avait pas attendu d’écrire la Summa totius philosophiæ ; nous remarquons déjà semblable incohérence en ce qu’il dit du même problème dans son Expositio super libros Physicorum.

Comme en sa Summa totius philosophiæ, il distingue[2] huit

  1. Voir : Cinquième partie ; ch. III, § X, t. VII, pp. 284-285.
  2. Pauli Veneti Expositio libros Physicorum ; libri quarti tractatus primus, capituli tertii pars secunda, sextum notandum.