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PAUL DE VENISE

elle ne se signalait trop souvent que par sa médiocrité et son absence de toute suite logique.

Ces défauts sont bien apparents dans la théorie du lieu qu’expose Paul Nicoletti ; elle est faite de morceaux rapportés qui ont été fournis par Simplicius, par Averroès, par Saint Thomas d’Aquin, par les Terminalistes ; son incohérence laisse supposer que l’auteur avait fort mal compris les opinions diverses qu’il soudait ainsi les unes aux autres.

Paul de Venise distingue[1] le lieu matériel et le lieu formel ; le lieu matériel d’un corps, c’est le corps contenant ; le lieu formel, c’est la surface extrême du contenant, surface par laquelle celui-ci touche le contenu ; nous avons signalé la grossièreté d’une telle conception, en parlant de Frédéric Sunczel, qui l’a adoptée.[2]

Dans le lieu, d’ailleurs, Paul Nicoletti ne distingue pas seulement le lieu materiel et le lieu formel ; il considère encore[3] le lieu efficient et le lieu final.

« Le lieu efficient, c’est une vertu conservatrice du contenu qui réside en la surface du contenant ; c’est cette vertu dont parle Gilbert de la Porrée lorsqu’il dit : Le lieu est principe de génération. » C’est aussi de cette vertu qu’il était question en l’opuscule De natura loti attribué à Thomas d’Aquin. Quant au lieu final, ce n’est autre chose que le lieu naturel. Toutes ces distinctions ont trait au lieu proprement dit ; mais, pour Paul de Venise, il existe aussi un lieu improprement dit, et ce dernier peut être également matériel, formel, efficient ou final.

Ces diverses sortes de lieux improprement dits sont rapprochés les uns des autres, d’ailleurs, d’une manière qui est parfois bien imprévue ; voici, par exemple, les définitions des lieux improprement dits matériel, formel et final : « Le lieu matériel improprement dit est un certain volume attribué à une entité qui n’occupe pas d’espace ; c’est d’un tel lieu dont parle le Philosophe au premier livre du De Cælo, lorsqu’il dit que le Ciel est le lieu de Dieu. Le lieu formel [improprement dit] est la situation qui ordonne les parties par rapport au lieu ; c’est de ce lieu dont parle Simplicius, dans son commentaire aux Catégories, lorsqu’il dit que le lieu, par son caractère propre, se range dans la catégorie de la situation ; par caractère du

  1. Pauli Veneti Summa totius philosophiæ ; pars prima, cap. XIX.
  2. Voir plus haut : ch. II, § VI. A, p. 205.
  3. Paul de Venise, Op. laud., prima pars, cap. XXL.