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NICOLAS DE CUES

mais nous ne pouvons regarder comme contre nature un mouvement que la forme communique à la matière, que la faculté ou l’âme donne au corps auquel elle est jointe ? Qu’y a-t-il, en effet, qui soit plus naturel à une matière que sa forme, à un corps que sa faculté ou son âme. »

Au sein de la terre convenablement organisée en fibres circulaires, l’impetus s’est changé en une âme qui entretient le perpétuel mouvement diurne de la terre ; tout de même, selon Nicolas de Cues, grâce à sa figure parfaitement sphérique, le Ciel, qui avait reçu l’impetus initial, devenait un mobile qui se meut lui-même, ce qui est la définition d’un être animé ; et cette animation assurait la perpétuité du mouvement diurne de l’orbe suprême.

La lecture de Jules-César Scaliger avait conduit Képler, dans ses Jeunes années, à recevoir la doctrine d’Aristote et à prépôser, au mouvement de chaque astre, une intelligence particulière ; il résolut ensuite de renoncer à toute hypothèse de cette sorte et d’attribuer aux seules causes physiques l’explication des mouvements célestes ; la Physique parisienne, en lui suggérant la notion de l’impetus, en lui révélant la loi de l’inertie, le mit sur la voie qu’il fallait suivre pour atteindre à la construction d’une Mécanique céleste ; il commença par s’y engager ; mais les considérations de Nicolas de Cues sur la figure circulaire, sur l’aptitude d’une telle figure au mouvement de rotation, sur l’analogie entre l’impetus et l’âme contribuèrent, sans doute, à l’en détourner ; les raisons de Mécanique ne le contentèrent plus ; pour rendre compte du mouvement diurne de notre globe, il fit, de celui-ci, un être vivant et animé ; parti de l’Aristotélisme, il n’entrevit un moment les véritables principes de la Dynamique céleste que pour revenir au Platonisme.

Képler semble avoir emprunté au Cardinal allemand cette hiérarchie de puissances, de moins en moins destructibles, qui s’engendrent l’une l’autre afin d’assurer le mouvement perpétuel de la terre : l’impetus, d’abord, puis la faculté corporelle qui organise la masse de la terre, enfin l’âme motrice immortelle. De même, Nicolas de Cues avait considéré d’abord l’impetus « qui peut faire défaut et cesser lors même que le globe demeure sain et entier, parce que le mouvement communiqué au globe est un mouvement accidentel et violent, et non point un mouvement naturel ». Ce mouvement engendré par l’impetus, il l’avait assimilé ensuite au « mouvement vital qui ne cesse de vivifier le corps de l’animal auquel il est naturel, tant que ce