Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/33

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
30
LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

d’autre part, avaient jeté le discrédit sur la Théologie de l’Êcole. De ce discrédit, Launoy nous rapporte un curieux témoignage ; c’est une anecdote qu’il a tirée, nous dit-il[1], d’une chronique manuscrite du règne de Charles VI conservée par de Thou dans sa Bibliothèque. En 1390, alors que, sous le nom de Clément VII, Robert de Genève siégeait en Avignon, quelqu’un lui recommanda son neveu, qui étudiait en Théologie à Paris. « Quelle fatuité, répondit le Pape, d’appliquer ce cher ami à une telle étude ! Il faut tenir ces théologiens pour des toqués (phantastici hommes) ! »

Au commencement du xve siècle, les maîtres les plus réputés de Paris éprouvent tous ce même dédain pour les discussions théologiques menées par les docteurs vaniteux et grossiers de l’École.

Ce dédain, Pierre d’Ailly le manifestait avec brutalité dans son Invectiva contra pseudo-pastores. « Pour ces pseudo-pasteurs, disait-il en cet écrit demeuré inédit[2], plus d’étude de la Sainte Écriture, plus d’entretien sur la divine Sagesse ; ils s’occupent uniquement de la Sagesse de ce monde, qui est folie aux yeux de Dieu. Et en effet, s’il leur arrivait par hasard, à Paris, de murmurer quelques mots qui eussent trait à la Sainte Écriture, ils ne le faisaient que devant les plats et entre les pots, dans les dîners et les banquets ; ce n’étaient plus pensers d’esprit à jeun, mais éructation de ventre gavé… Ô que de viles disputes sur toutes sortes de questions ! Ô quel inutile conflit d’arguments ! Là, plus souvent que de juste, la question puait le vin et la solution était gonflée de venin. On y blasphémait, on y condamnait les sentences les mieux prouvées. On y traitait avec mépris la Théologie de science broussailleuse et les docteurs catholiques de toqués. On y vénérait la loi de Constantin plus que la loi du Christ et les décrets de Gratien plus que les préceptes du Seigneur. »

Jean Gerson n’était guère, pour les abus de la dialectique scolastique, moins sévère que son maître.

« Il y a, dit-il[3], deux Logiques.

  1. Launoii Op. laud., cap. X ; éd. cit., pp. 96-97.
  2. Launoii Op. laud., cap. X ; éd. cit., pp. 97-98.
  3. Joannis de Gerson Cancellarii Pdrisiensis Lectiones duæ super Marcum ; lect. II. (Prima pars operum Joannis Gerson Cancellarii universitatis Parrhisiensis theologi christianissimi.) Colophon : Operum magistri Joannis de Gerson divinarum scripturarum doctoris resolutissimi pars prima tractatus orthodoxam fidem ecclesiasticamque concernentes potestatem complectens : Felici clauditur exitu apud Tribotes : per Joannem Knoblouch. Anno MDxiiij Kalendis Juniis. XVI. O et Q.