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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

Dans la théorie que nous avons analysé, le futur cardinal ne se contente pas de démontrer que l’unité est éternelle et que, de cette unité, l’égalité est aussi éternelle ; il établit encore l’éternité du lien, de la connexion entre l’unité et son égal. De même que l’unité va être, pour lui, le Père, et que l’égalité sera le Fils, de la connexion, il fera l’Esprit-Saint ; par là, la Trinité sera complète.

À ce lien (connexio), nous ne trouvons aucune allusion dans le Libellus de opere sex dierum ou, du moins, dans ce que nous possédons de cet ouvrage ; Thierry n’y considère que le Père et le Verbe ; mais ce qu’il en dit va continuer de guider Nicolas de Cues dans ses méditations sur la Trinité divine.


H. La Trinité divine


L’analyse de toute chose finie nous y fait découvrir la puissance, l’acte, et l’union de la puissance avec l’acte ; ces trois éléments, nous devons les retrouver en Dieu, mais portés au maximum absolu.

Dieu est donc l’acte infini[1], l’acte absolument pur ; cela, tout le Péripatétisme le proclame ; mais l’Ignorance savante y ajoute ceci[2] : L’actualité infinie n’est pas autre chose que l’existence actuelle de la toute-puissance ; en sorte que, dans l’absolu, la puissance maximum ne diffère pas de l’acte maximum, et que Dieu est aussi l’absolue puissance[3].

D’une façon semblable, l’Un était, au gré de Plotin, la puissance de toutes choses[4] et, en même temps, il était tout acte[5].

Ce n’est pas la lecture directe de Plotin, mais bien Fétude de l’Aréopagite qui a, sans doute, suggéré cette pensée à Nicolas de Cues ; en tout cas, c’est la doctrine de Denys, si amplenient commentée par Scot Êrigène, que nous allons entendre maintenant. Dieu est acte pur et puissance absolue ; le nom de Possest, formé de posse et case, est celui qui lui convient[6].

  1. Nicolai de Cusa De docta ignorantia, lib. II, cap. IX ; éd. cit., t. I, p. 35.
  2. Nicolai de Cusa De docta ignorantia, lib. I, cap. XVI ; éd. cit., t. I, p. 11. — Lib. II, cap. I ; éd. cit., t. I, p. 24.
  3. Nicolai de Cusa Op. laud., lib. II, cap. VIII ; éd. cit., t, I, p. 33.
  4. Plotini Enneades ; Enneadis quintæ lib. I, cap. VII (éd. Didot, p. 303) et lib. IV, cap. II (éd. Didot, p. 328).
  5. Plotini Enneades ; Enneadis sextæ lib. VIII, cap. XX ; éd. Didot, p. 526.
  6. Nicolai de Cusa Trialogus de possest ; éd. cit., t. I, p. 255.