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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

maximum absolu et minimum absolu de tous les êtres, principe et fin de tout être, est plus qu’un être, mais il n’est pas un être ; c’est un non-être.

Toutes ces pensées se trouvent réunies dans les passages suivants[1] :

« Avant l’être, il y a le non-être ; avant l’intelligence, ce qui n’est pas l’intelligence ; d’une façon générale, avant tout ce qui se peut exprimer, l’inexprimable.

« Dieu est le principe qu’on ne peut nommer, qui vient avant tout ce qui est susceptible de recevoir un nom. Vous voyez mieux ainsi que deux propositions contradictoires se doivent nier à la fois, lorsqu’il s’agit de lui ; on ne peut dire de lui ni qu’il est, ni qu’il n’est pas, ni qu’il est et n’est pas, ni qu’il est ou n’est pas (neque sit, neque non sit, neque sit et non sit, neque sit vel non sit) ; aucune de ces façons de parler ne l’atteint, car il précède tout ce qui se peut dire. »

La négation est donc le principe de toutes les affirmations, car le principe n’est rien des objets dont il est le principe (principiata). Mais, d’autre part, tout effet existe dans sa cause d’une façon plus vraie qu’il n’existe en lui-même ; partant, l’affirmation est, dans la négation, mieux qu’elle n’est en elle-même, puisque la négation est son principe. Le principe précède donc également le maximum et le minimum de toutes les affirmations.

C’est ainsi, par exemple, que le non-être est le principe de l’être (Puta non ens entis principium). Le non-être nous semble donc avant l’être ; il nous apparaît le moyen de la coïncidence entre le maximum et le minimum.

» Ainsi le principe, c’est l’être qui est également l’être au maximum et l’être au minimum ; ou, en d’autres termes, s’il est non-être, c’est en tant qu’il est être au maximum ; le principe de l’être, ce n’est donc pas ce qui, d’aucune façon, n’est être ; c’est ce qui est non-être de la manière qui vient d’être dite. — Ens, quod pariter est minime ens et maxime ens, sive sic non ens quod maxime ens ; non est principium entis nullatenus ens, sed non ens dicto modo.

» Lorsque je considère que le principe de l’être ne peut être ce dont il est le principe, je vois qu’il est aussi peu que possible un être, qu’il est être au minimum ; quand je regarde le prin-

  1. Nicolai de Cusa Excitationum lib., I ; ex sermone : Tu quis es ? Ed. cit., t. II, p. 352 et pp. 355-356.