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L’UNIVERSITÉ DE PARIS AU XVe SIÈCLE

paine pourroye-je bien dire que toutes les choses dessus dictes y défaillent. Humiliata est enim anima eorum in pulvere et conglutinatus est in terra venter eorum. Leur âme est humiliée jusques en pouldre et leur ventre conglutiné en terre. Tout y chiet, les maisons y sont en ruyne, les gens d’esglise n’y ont que menger, tellement que j’ay veu que l’en disoit que en cest notable lieu de la Sainte-Chappelle, où sont sy précieuses reliques, que le services à paine y falloit parce que ceulx qui le font n’y avoient plus que menger. Soit’enquis de ceulx de l’église cathédrale, des abbayes, priorés et aultres esglises d’entour Paris et de la ville mésmes, à paine ont-ils que menger ; et des bons et notables bourgeois qui avoient belles rentes et possessions, ilz sont de présent comme à quérir leur pain, et de fait, aucuns le quièrent et demandent. »

De longues années s’écouleront encore avant que de telles doléances cessent de s’éléver de tous les points du Royaume ; la poursuite de la guerre, la réparation des désastres qu’elle a causés requièrent de grosses sommes d’argent ; pour les obtenir, le gouvernement du Roi frappe de lourds impôts un pays épuisé, en sorte que la misère engendre une misère plus grande encore. ’

En 1444 un impôt, nouveau et fort lourd, frappe l’Université même, en dépit de ses exemptions et privilèges. Le 20 Août[1], l’Université décide de députer le Recteur, accompagné d’une ambassade, au Roi, au Duc de Bourbon, aux autres princes du sang actuellement présents à Paris, à l’inventeur de cet impôt, aux élus chargés de le percevoir ; ces députés représenteront les charges accablantes qui grèvent l’Université. « Au cas où l’on ne voudrait pas renoncer à cet impôt, nous aurions à suspendre nos sermons et nos leçons, tant à l’intérieur de l’Université qu’au dehors. »

Dans leur entrevue avec les élus, le Recteur et les députés de l’Université furent insultés et blessés[2]. « On fist, dit le Bourgeois de Paris[3] une grosse taille où on voulloit asservir tous les suspos de l’Université de Paris. Si alla le Recteur pour deffendre les libertés et franchises de la dicte Université parler aux esleuz ; si y ot aucuns des diz esleuz qui mirent la main au Recteur, par quoy sermons cessèrent. » En effet, le 4 Septembre,

  1. Liber procuratorum…, t. II, col. 593.
  2. Liber procuratorum…, t. II, col, 594.
  3. Journal d’un Bourgeois de Paris, p. 375.