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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

l’existence simultanée de plusieurs mondes, concentriques ou excentriques, n’est pas impossible, c’est-à-dire qu’elle n’implique aucune contradiction. »

Après avoir détaillé quelque peu cette affirmation, notre auteur ajoute :

« Un article de Paris dit ceci : Affirmer que Dieu ne peut mouvoir le Ciel ou le Monde d’un mouvement de translation, vers le haut, par exemple, ou vers le bas, c’est une erreur. Cela posé, que Dieu mette le Monde hors du lieu ou de l’espace où il réside maintenant ; alors, assurément, il pourra, dans ce même lieu créer un monde nouveau. Aussi un autre article de Paris dit-il : Affirmer que la Cause première ne pourrait faire plusieurs mondes, c’est une erreur. »

Contre une telle doctrine, se dresse l’objection fameuse d’Aristote : S’il y avait plusieurs mondes, la terre de l’un se mouvrait vers le centre de l’autre,

À cette objection, voici la réponse de Summenhart : « La terre de l’autre monde ne se mouvrait point vers la terre de ce monde-ci ; en effet, lorsque Dieu a créé la terre de ce monde-ci, il lui a conféré un certain espace ou une certaine situation ; en vertu de l’attribution divine, cet espace est le lieu naturel de notre terre ; de même, quand Dieu créerait un autre monde, à la terre de cet autre monde, il assignerait un espace, une situation, et vers cet espace, la terre aurait inclination à cause de l’attribution faite par le Créateur. Comme l’a montré, au chapitre du lieu, le précédent traité, le caractère naturel du lieu provient de l’attribution originellement faite par le Créateur. »

En cette circonstance comme en tant d’autres, le recours au bon plaisir de Dieu remplace toute explication tirée des raisons de Mécanique.

À Tubingue, à Ingolstadt, à Strasbourg, à Erfurt, on n’entend pas imiter l’archaïsme routinier des Albertistes et des Thomistes de Cologne ; on étudie les auteurs modernes ; on invoque l’autorité des Parisiens ; mais de la Cosmologie qu’ils ont inaugurée et développée, on ne garde que des parcelles ; et surtout, on ne sait pas se pénétrer de l’esprit et des méthodes qui avaient dirigé cette Cosmologie ; on ne sait pas rejeter hors du domaine de la Physique le recours aux influences astrales, aux causes finales, à l’intervention perpétuellement miraculeuse de Dieu ; on ne sait pas sauver les phénomènes à l’aide de théories vraiment rationnelles. C’est, durant le xve siècle, une bien pauvre science que la Cosmologie allemande.