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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

habiter à la surface de ces parties. Cela, il ne le faut point attribuer à l’action desséchante du Soleil ou a quelque constellation, encore que ces causes y puissent, parfois, concourir pour quelque chose ; il le faut, comme la Sainte Écriture l’atteste en nombre de lieux, attribuer au pouvoir, à l’ordonnance et à l’ineffable providence de Dieu…

» Quelques-uns disent que la terre et l’eau constituent un corps sphérique unique, de telle sorte que la surface concave de l’ensemble de l’eau ne dépasse nulle part la surface de la terre, mais qu’une partie de la terre proémine hors de l’eau ; cette dernière partie se trouve raréfiée et allégée par la chaleur du Soleil, en sorte que le centre de gravité de la terre diffère du centre de grandeur. D’autres disent autrement. Vous pourrez, si cela vous fait plaisir, être plus pleinement renseignés en consultant les Additions de Paul de Burgos au premier chapitre de la Genèse [de Nicolas de Lyre] et le Conciliateur, en sa 13e différence. »

Le passage obscur que nous avons cité en dernier lieu semble être un souvenir de la Margarita philosophica. Josse d’Eisenach avait sans doute lu ce livre. Si, pour se renseigner sur la théorie parisienne de l’équilibre de la terre et des mers, il n’en avait pas connu d’autre, ou l’excuserait sans peine d’avoir accordé si peu d’attention à cette théorie. Mais nous allons voir qu’il avait eu le moyen de puiser à d’autres sources d’information.

Dans son traité des Météores, Josse d’Eisenach décrit[1] la formation des montagnes par les tremblements de terre ; Albert le Grand, au cours de cette description, lui sert de guide ; au même Albert, il emprunte la pensée que les montagnes peuvent être parfois engendrées par les apports de la mer, par le ravinement des torrents, par l’action du vent. À ces causes, il en ajoute une autre, qu’Alhert s’était bien gardé d’invoquer, mais à laquelle recourait Ristoro d’Arezzo : « Parfois, une partie de la terre est soumise à une influence céleste qui est échauffante et desséchante ; la partie de la terre qui est échauffée de la sorte commence par devenir plus légère, puis elle est soulevée (sublimatur) ; comme cette influence ne jette pas également ses regards sur toutes les parties, sur toutes les régions de la terre, il n’y a pas des montagnes en tout lieu.

» D’ailleurs, comme rien de tout cela ne se peut faire en peu de temps, la brièveté de la vie ne permet pas aux hommes

  1. Judoci Isennachensis Op. laud., lib. IV, cap. IV, fol. sign. Diij, vo.