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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

avec une entière confiance, l’explication que déjà, donnait Roger Bacon ; la nature universelle, simple cause finale qui a pris un masque de cause efficiente, lui fournit une réponse commode à la question qui embarrassait la Physique d’Aristote ; cette réponse, mieux inspirés par Alexandre d’Aphrodisias, Buridan et ses disciples l’avaient demandée à la théorie péripatéticienne de la pesanteur ; de la solution parisienne, le professeur d’Ingolstadt ne dit pas un mot ; il ne pouvait cependant l’ignorer, lui qui cite les Questions de Marsile d’Inghen sur la Physique d’Aristote, Questions où elle se trouve très clairement exposé ; et son silence est d’autant plus surprenant que nous l’avons entendu formuler[1], touchant le centre de gravité d’un corps pesant, la proposition qu’elle prend pour principe.

Même silence se remarque dans les Commentaires de Conrad Summenhart.

Pour Summenhart[2], à chaque région de l’espace compris entre la concavité de l’orbe de la Lune et le centre du Monde, une force est départie, qui provient du Ciel ; cette force rend telle région apte à conserver tel élément ; elle en fait le lieu naturel de cet élément ; la distribution de ces lieux naturels est un effet immédiat du décret divin.

« S’il n’y avait, dans le Monde, point d’autre corps que l’air, cet air se mouvrait néanmoins vers la région de l’espace où il réside maintenant ; il ne monterait pas plus haut, il ne descendrait pas plus bas ; à chaque chose, ce lieu est naturel que le Créateur lui attribua dès la première constitution du Monde. »

Nous avions autrefois entendu Nicolas Bonet s’exprimer de la sorte.

De telles doctrines excluent toute considération de Mécanique.

La doctrine mécanique des Parisiens était issue de ce qu’Alexandre d’Aphrodisias avait répondu à cette question : Comment la terre entière peut-elle être naturellement logée, puisque chacune de ses parties, pour être en son lieu naturel, devrait occuper le centre du Monde ?

À cette question, Summenhart ne répond rien de plus que Duns Scot. « Aucune partie de la terre, dit-il[3], n’est en son lieu absolument naturel. La preuve en est que le lieu absolument

  1. Voir plus haut, pp. 215-216.
  2. Conradi Summenhart Commentaria in Summam physice Alberti Magni, tract. I, cap. X, prima difficultas ; fol. précédant le fol. sign. g, col. c.
  3. Conradi Summenhart Op. laud., tract. I, cap. X, tertia (marquée : secunda) difficultas ; premier fol. après le fol. sign. f 4, col. c et d.