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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

à cette question[1] : « La terre se trouve-t-elle au sein de l’eau comme en son lieu propre et naturel ? »

Notre auteur définit ce qu’il convient d’entendre par lieu violent et par lieu naturel. « Quand le corps logé, dit-il, se trouve logé dans le lieu qui lui convient, qui lui est naturel, nous disons qu’il est en son lieu conformément à sa nature propre. La nature propre du corps logé correspond donc au lieu naturel de ce corps. »

À cette nature propre, Sunczel oppose la nature commune.

« La nature propre des choses naturelles se reconnaît par le mouvement qu’y déterminent les qualités premières et les qualités motrices secondes, savoir, la gravité et la légèreté, [qualités motrices secondes], qui dérivent de la densité et de la légèreté, [qualités premières].

» En vertu de sa nature propre, tout corps grave descend, tout corps léger monte.

» Tout corps plus dense ou plus lourd demeure spontanément en repos, en vertu de sa nature propre, au-dessous d’un corps plus rare ou plus léger.

n Tout ce qui monte ou descend spontanément éprouve un tel mouvement en vertu de sa nature propre ; par le moyen de ce mouvement ou de mouvements semblables, le mobile tend, autant que possible, à conserver sa propre existence. La nature propre se tire donc de l’existence individuelle.

» La nature commune, au contraire, se reconnaît par la considération de l’ordre ou du désordre soit de l’Univers tout entier, soit d’une seule espèce. La nature, en effet, prise en sa totalité, tend à conserver l’existence de toutes les espèces ; elle loge dans chaque chose naturelle ou chaque individu dans le lieu où il peut le mieux recevoir ce qui convient à sa propre conservation, sauf dans quelques cas où la mise en un tel lieu aurait pour conséquence un certain désordre.

» La nature commune, par exemple, a horreur du vide, qui est une sorte de désordre dans l’ensemble de l’Univers. Voilà pourquoi, en vertu de la nature commune, on voit un corps plus rare et plus léger demeurer en repos, contrairement à sa nature propre, au-dessous d’un corps plus lourd ; pourquoi l’on voit un corps léger descendre, comme l’air descend dans les parties concaves de la surface terrestre ; pourquoi l’on voit monter un corps pesant, lorsqu’on aspire l’eau, par exemple,

  1. Collecta et exercitata. Friderici Sunczel, lib. IV, quæst. V.