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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

Quant aux orbes, au gré d’un grand nombre de personnes, ils sont mus par leurs formes substantielles. Mais, selon ce qui semble à d’autres personnes, ce sont des Intelligences qui leur impriment un mouvement de rotation ; si bien que le premier mobile lui-même tourne sous l’action du Créateur de toutes choses, mobile d’une inépuisable vigueur. » Sans discuter les raisons qu’on peut faire valoir pour ou contre chacune de ces deux opinions, le maître ès arts de Strasbourg s’attache à repousser la théorie qui ferait, de chaque ciel, un être animé et chercherait dans une âme le moteur de ce ciel.

Josse d’Eisenach commence, lui aussi, par rejeter cette explication[1] ; puis il poursuit en ces termes : « Certains disent que le Ciel est mû par sa forme propre. En effet, par sa matière, par sa grandeur, par sa figure, le Ciel est apte au mouvement. Il a, en outre, une forme plus parfaite que celle d’un élément ou d’un mixte non vivant ; cette forme-là est, par conséquent, plus active que celle-ci. C’est par la force de cette forme qu’il est mû d’un mouvement de rotation, tout comme les éléments, par la force de leur forme, sont mûs d’un mouvement rectiligne. Partant, au mouvement du Ciel, il n’est pas besoin d’attribuer le ministère d’un ange plus qu’au mouvement de n’importe quel élément. »

Ces lignes sont empruntées mot pour mot à Gabriel Biel. Le professeur d’Erfurt ajoute aussitôt : « Mais cette opinion paraît sauver malaisément sans recourir à la violence le repos du Ciel qui se produira lors de la rénovation perpétuelle du Monde ; malaisément aussi, elle explique que le mouvement du Ciel ne provienne pas de quelque besoin, dès là qu’il est produit par une forme propre et naturelle.

» Il y a donc une opinion qui est plus communément reçue ; c’est que le Ciel est mû par Dieu, grâce à l’intermédiaire d’une Intelligence créée ou d’un ange qui l’assiste du dehors, mais ne l’informe pas. »

La préférence pour cette opinion, que Biel laissait deviner sans l’avouer, est ici clairement marquée.

Le mouvement du Ciel n’est pas l’œuvre d’une Intelligence séparée ; c’est un mouvement naturel analogue à la chute des graves, à l’ascension des corps légers ; aux circulations des astres, on peut appliquer les principes de Mécanique qui régis-

  1. Judoci Isennachensis Summa in totam physicen, lib, II, cap. I, 2e fol. après e fol. sign. i iij, vo, et fol. suivant, ro.