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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

aptitude naturelle à recevoir une forme différente de la forme céleste. »

Notre auteur se demande ailleurs[1] : « Si le Ciel est un être incapable de génération et de corruption, qui n’a point de matière. » Pour répondre « selon la voie du Philosophe », remarque-t-il tout d’abord, « on doit formuler ces deux propositions : Le Ciel a été de toute éternité et jamais il ne pourra cesser d’exister. Le Ciel n’admet aucune matière dans sa composition ; c’est une forme simple sujette seulement à la grandeur. » Puis il ajoute : « Le théologien donne une réponse autre et conforme à la vérité ; il dit : Le Ciel est vraiment composé ; dans sa composition, entre une matière première de même nature que la matière des choses d’ici-bas ; cette matière est mêlée de privation ; elle est véritablement soumise à la génération et véritablement sujette à la destruction.

» Qu’elle ne soit jamais détruite, en voici la cause ; jamais la destruction naturelle d’un corps ne se peut produire sans avoir été précédée d’une altération préalable en laquelle une qualité détruit la qualité contraire ; c’est par suite de cette destruction d’une qualité que la forme substantielle d’un tel corps finit, à son tour, par être détruite. Or le Ciel ne possède aucune qualité qui ait son contraire ; il ne sera donc pas détruit. Toutefois, il est susceptible de destruction ; mais il l’est en puissance éloignée ; il ne l’est pas en puissance prochaine ; une chose, en effet, est corruptible en puissance prochaine qui possède tout ce que requiert sa corruption ; cela ne convient pas au Ciel. »

Dans la Somme de Physique, mise au compte d’Albert le Grand et commentée par Summenhart, l’opinion qui fait du mouvement céleste un mouvement naturel est vivement combattue ; contre elle, des objections nombreuses sont accumulées. Ces objections, le professeur de Tubingue les réfute l’une après l’autre[2] ; et cette série de réfutations le conduit à une conclusion très formelle : « Le mouvement du Ciel est naturel, dit-il[3], aussi bien que la chute de la pierre. Comme nous l’avons dit ci-dessus, le Ciel est vraiment composé de matière et de forme ; la matière du Ciel est de même espèce que la matière des choses d’ici-bas ; la forme du Ciel est une forme substantielle natu-

  1. Conradi Summenhart Op. laud., tract. II, cap. IV, sexta difficultas, fol. sign. K 2, col. b et c.
  2. Conradi Summenhart Op. laud., tract. II, cap. VI, quarta, quinta, sexta, septima, octava, nona et décima difficultates.
  3. Conrad Summenhart loc. cit., ; septima difficultas ; fol. précédant le fol, sign. 1, col. b et c.