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LES UNIVERSITÉS DE L’EMPIRE

de cette forme qu’il est mû d’un mouvement de rotation, tout comme les éléments, par la force de leur forme, sont mûs d’un mouvement rectiligne. Partant, au mouvement du Ciel, il n’est pas besoin d’attribuer le ministère d’un ange plus qu’au mouvement de n’importe quel élément.

» Le principe que le moteur doit différer du mobile n’est point une objection contre cette théorie. On répéterait en effet, au sujet du Ciel, ce qu’on dit d’un grave simple, savoir que la forme est le moteur, et que le composé tout entier est le mobile…

» Que le Ciel s’éloigne sans cesse du lieu même vers lequel il se meut ; que, partant, son mouvement soit, tout à la fois, naturel et violent, car ce qui se meut naturellement vers un certain lieu s’en écarte par violence ; ce n’est pas, non plus une objection. Ce dernier principe, en effet, n’est vrai que d’un mouvement qui se fait en vue du repos, d’un mouvement où le mobile tout entier change de lieu. Mais il n’en est pas ainsi du Ciel ; à proprement parler, il ne se meut pas vers un lieu, mais plutôt en un lieu ou autour d’un lieu… Il ne se meut pas non plus en vue du repos, mais il lui est naturel de se mouvoir, en son lieu propre, d’un mouvement de rotation, comme il est naturel au grave simple ou au corps léger simple de se reposer en son lieu naturel. »

Biel réfute ainsi les objections qu’on avait coutume de dresser contre cette thèse : Le mouvement du Ciel est un mouvement naturel comparable au mouvement d’un corps grave ou léger.

Mais il est une autre objection qui lui paraît plus embarrassante ; la voici :

« Si le Ciel est mû par sa forme propre, il est mû naturellement ; s’il demeurait donc en repos, il se reposerait par violence ; or, après le renouvellement du Monde, il demeurera perpétuellement en repos ; par là, un état violent se trouverait être perpétuel. »

La réponse à cette objection vaut d’être notée ; elle fait intervenir, en effet, cette nature universelle dont la souple indétermination se montrait toujours si secourable aux Scolastiques dans l’embarras.

« Après le renouvellement de l’Univers, le repos sera aussi naturel au Ciel que le mouvement lui est à présent naturel.

» Une même forme, lorsqu’elle ne meut point, parce qu’elle éprouve une certaine indigence d’elle-même, peut, successivement, incliner à des effets opposés par suite d’un changement dans l’ordre des choses. Un-grave, par exemple, monte natu¬