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LES UNIVERSITÉS DE L’EMPIRE

continu et non pas à être divisé. Lors donc que la pierre se trouve au point où le mouvement se réfléchit, l’impetus est déjà comme faible et relâché ; en outre, l’air résiste à la chute ; il est donc nécessaire que la pierre, en ce point de réflexion, demeure quelque peu en repos, et qu’elle commence ensuite son mouvement naturel de descente. »

À cette théorie, Sunczel prévoit l’objection que voici :

« Si le corps pesant demeurait en repos au point de réflexion, en haut de sa course, il arriverait donc qu’un grave se pourrait trouver en l’air, n’être retenu par rien et ne pas tomber, ce qui est contraire à la nature et à l’expérience. »

Il répond : « Ce qui empêche la pierre lancée vers le haut de tomber, c’est l’impetus qui lui a été imprimé et qui continue de la mouvoir vers le haut ; mais comme l’air et la pierre elle-même résistent à ce mouvement, il se produit un repos intermédiaire. »

Notre auteur examine encore cette autre objection : « Quand on jette une pierre sur le pavé ou un morceau de plomb sur le sol afin qu’ils rebondissent, aucun repos n’apparaît au point de réflexion. »

Il répond : « Il y a un repos intermédiaire, car Vimpetus imprimé est une qualité, et la latitude de cette qualité ne se peut détruire toute entière à la fois et en un instant. Et cela est évident ; par là, en effet, que la pierre éprouve une compression contre le pavé ou le plomb contre le sol, il faut qu’il se produise, durant cette compression, un certain repos intermédiaire, encore qu’il soit de courte durée et imperceptible aux sens. Toutefois, il arrive qu’au jugement des sens, une chose se meuve continuellement, alors qu’elle éprouve un arrêt partiel. C’est sans doute ce qu’a voulu signifier le Commentateur lorsqu’il a dit : Il y a nombre de mobiles qui se meuvent au gré des sens qui sont en repos selon la raison et l’intelligence. »

Tout en mettant un repos intermédiaire entre l’ascension et la chute d’un projectile pesant, Sunczel a eu la sage pensée d’attribuer, à ce temps d’arrêt, une durée extrêmement courte. Il n’a pas suivi Marsile d’Inghen dans les imaginations excessives et déraisonnables où cet auteur s’était laissé entraîner.

L’explication par l’impetus de l’accélération qui caractérise la chute accélérée des graves n’avait obtenu, de Sunczel, qu’une courte allusion ; Summenhart l’expose très clairement[1].

  1. Conradi Summenhardt Commentaria in Summum physice Alberti Magni, tract. I, cap. VIII, vigesima diffîcultas, fol. sign. f 4, col. a et b.