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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

plus vite ; à la fin, il est plus atténué et plus lent… On veut que la cause en soit la suivante : Au commencement, l’impetus ou force imprimée par l’instrument de jet est plus grande et plus forte ; à la fin, elle est plus atténuée, car elle défaille et diminue peu à peu. C’est ce que nous montre le trait jeté par une machine ; au commencement, il se meut extrêmement vite ; puis, peu à peu, le mouvement commence à faire défaut, jusqu’à ce que l’impulsion périsse tout entière ; alors le trait s’arrête. »

À Erfurt comme à Tubingue et à Strasbourg, l’étrange doctrine d’Aristote paraît complètement oubliée.


E. La chute accélérée des graves


À la théorie de l’impetus, Jean Buridan avait très heureusement rattaché l’explication de la chute accélérée des corps pesants ; mais ses disciples ne s’étaient pas toujours montrés très fermes et très catégoriques dans l’acceptàtion de cette partie de la doctrine ; nous ne devrons donc pas nous étonner si les maîtres allemands, qui suivent la tradition de Paris, n’insistent pas toujours autant qu’il le faudrait, et dans le sens qu’il faudrait, sur cette explication.

Frédéric Sunczel n’en dit qu’un mot. Après avoir déclaré qu’il faut admettre un impetus en tout mouvement violent, non seulement dans celui qui lance un grave vers le haut ou bien un corps léger vers le bas, mais encore dans celui-ci qui, vers le sol, jette un corps pesant plus vite qu’il ne tomberait de lui-même, il ajoute[1] : « Il faut aussi supposer un impetus dans le mouvement naturel, car, vers la fin, le grave y acquiert de l’impetus. » À la théorie de Buridan, cette allusion est fort concise, mais elle implique adhésion formelle.

Entre l’ascension d’un grave qu’on a lancé en l’air et la chute de ce même corps, le maître d’Ingolstadt met un repos intermédiaire[2] où l’impetus joue son rôle.

« Quand une pierre, dit-il, est violemment projetée vers le haut, la main de celui qui la lance lui imprime une certaine qualité qui la meut vers le haut ; cette qualité, nous la nommons impetus. Mais comme ce mouvement est violent, la pierre résiste en vertu de sa forme substantielle et de son poids ; de façon semblable, le milieu résiste, car l’air tend à demeurer

  1. Collecta et exercitata Friderici Sunczel, lib. VIII, quæst. XI.
  2. Friderici Sunczel Op. laud., lib. VIII, quæst. VIII.