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LES UNIVERSITÉS DE L’EMPIRE

par celui qui lance la pierre ; la pierre, d’ailleurs, n’a pas d’inclination naturelle à tomber si vite. Ce mouvement n’est pas non plus violent, car la pierre tombe naturellement. »

Sommenhart répond : « Il y a deux sortes de mouvement, le mouvement simple et le mouvement composé. Le mouvement de là pierre lancée vers le bas est un mouvement composé… Il est composé de mouvement naturel et de mouvement violent. Pour autant qu’il est dirigé vers le bas, il est naturel ; pour autant qu’il est trop vite, il est violent. »

Notre auteur se demande enfin[1] pourquoi le mouvement violent est plus vite au commencement qu’à la fin. « C’est, dit-il, parce que le mouvement violent a pour cause un certain impetus imprimé dans le projectile par l’instrument de jet ; c’est cet impetus qui meut le projectile. Comme le projectile oppose une résistance naturelle à cet impetus, celui-ci s’affaiblit sans cesse. »

Tout ce que nous venons de lire suppose complète adhésion à cette théorie parisienne du mouvement des projectiles que Frédéric Sunczel nous a remise en mémoire ; Conrad Summenhart tient cette doctrine pour si certaine qu’il n’accorde même pas une allusion à la théorie péripatéticienne ; elle lui paraît sans doute indigne même d’une réfutation.

Que l’hypothèse de l’impetus soit communément reçue, qu’elle ne soit plus contestée, c’est ce que nous devinons également en lisant la Margarita philosophica[2].

« Quelles sont, dit le Disciple, les choses qui sont mues de mouvement propre (per se), mais par une autre chose ? » — « Ce sont, dit le Maître, celles qui sont mues par un principe extrinsèque incapable de conférer une force au patient. Ainsi en est-il de la pierre jetée en l’air. Ce mouvement-là est un mouvement violent, car il va contre l’inclination naturelle du mobile. Aussi est-il plus intense au commencement, grâce à l’impetus imprimé par le moteur ; à la fin, il est plus atténué, car déjà l’impetus fait défaut. »

C’est un langage tout semblable que nous fait entendre Josse d’Eisenach[3].

« Au début, dit-il, le mouvement violent est plus intense et

  1. Conrad Summenhart, loc. cit., difficultas vicesimaprima ; fol. sign. f 4, col. b.
  2. Margarita philosophica, lib. VIII : De principiis rerum naturalium ; cap. XXV ; éd. cit., fol. précédent le fol sign. y, vo.
  3. Judoci Isennachensis Summa in totam physicen, lib. I, cap. III, fol. sign. g i, vo.