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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

près, au début de son mouvement, que plus loin, au milieu de son mouvement.

» On répondra qu’au début du mouvement, l’impetus n’a pas encore une suffisante extension. Au commencement, donc, l’impetus est plus fort au point de vue de l’intensité ; mais un peu après, il est plus fort au point de vue de l’extension. »

Conrad Summenhart ne consacre aucun développement spécial à l’étude du mouvement des projectiles ; mais diverses allusions à ce mouvement se trouvent répandues dans son livre ; elles impliquent toutes adhésions formelles à la théorie parisienne de l’impetus.

Notre auteur se demande[1], par exemple, « si la définition du mouvement naturel est bonne », et il se fait à lui-même cette objection : « Si elle était bonne, il en résulterait que le mouvement de la pierre jetée en l’air serait un mouvement naturel, car il provient de l’impetus imprimé dans la pierre, et cet impetus est une qualité inhérente à la pierre.

» À quoi l’on pourrait répondre : La qualité en question est, sans doute, le principe de ce mouvement et elle est dans la pierre ; cette qualité, toutefois, n’est pas la nature de la pierre, car elle n’en est pas la forme substantielle. »

Cette réponse soulevant, à son tour, une nouvelle objection, Summenhart reprend :

« C’est donc d’une autre façon qu’il faut parler du mouvement de la pierre vers le haut, et dire qu’il n’est pas naturel. Il est vrai qu’il est produit par un principe intrinsèque, qui est une sorte de nature, car c’est une qualité accidentelle, l’impetus ; cette qualité n’est pas, formellement, en effet, une chose libre ; elle agit d’une manière nécessaire. Toutefois, le patient, c’est-à-dire le mobile, la pierre n’a point d’inclination naturelle à un semblable mouvement ; ce mouvement n’est donc pas naturel. »

Poursuivant la distinction du mouvement naturel et du mouvement violent, le professeur de Tubingue se trouve en présence de cette difficulté[2] :

Il y a un mouvement qui ne se trouve compris sous aucune des deux catégories. Qu’on lance une pierre vers le bas plus vite qu’elle ne tomberait d’elle-même. Un tel mouvement ne sera pas naturel, car il est produit par un principe extrinsèque,

  1. Conradi Summenhart Commentaria in Summam physice Alberti magni, tract. I, cap. VIII ; decimaoctava dîfilcultas ; fol. sign. f 3, col. a et b.
  2. Conrad Summenhart. loc. cit., decimanona difficultas ; fol. sign f 3, col. b et c.