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LES UNIVERSITÉS DE L’EMPIRE

eux aussi, donnent, à ce sujet, un enseignement exempt d’hésitation.

Au mouvement des projectiles, Sunczel consacre une question tout entière[1].

Il commence par exposer l’opinion d’Aristote, puis il poursuit de la façon suivante :

« Cette opinion, beaucoup de personnes ne la tiennent pas, à cause des raisonnements et des expériences qui seront rapportés plus loin.

» Il y a donc une autre opinion qui est plus communément reçue et plus vraie.

» L’instrument de projection imprime, dans le projectile ou dans la pierre, une certaine force motrice (virtus motiva) qu’on appelle impetus ; cette force meut la pierre vers le haut ou vers le bas, en avant, en arrière ou sur le côté selon que l’instrument de projection a imprimé cette force [de telle ou telle façon dans le projectile] ; cette force meut la pierre jusqu’au moment où elle se trouve affaiblie et relâchée par la résistance de la gravité ou du milieu.

» La vérité de cette opinion se prouve par une infinité d’expériences, dont quelques-unes sont ici présentées.

» Première expérience : De même que l’air offre peu de résistance, de même possède-t-il peu de pouvoir impulsif (pulsio) ; il ne pourrait donc pousser un corps lourd. Partant, il résulterait de la première opinion qu’une plume pourrait être jetée plus vite et plus loin qu’une pierre, car elle opposerait moins de résistance à la poussée de l’air ; l’expérience nous montre le contraire, et cela parce qu’une plume ne reçoit pas autant d’impetus qu’un corps solide et pesant.

» Seconde expérience : Un morceau de fer aiguisé en pointe à ses deux extrémités ne se mouvrait point dans l’air, parce que, grâce à cette forme aiguë, l’air ne pourrait pas le pousser.

» Troisième expérience : Un corps de large section, tel un soliveau, se laisserait jeter avec plus de vitesse qu’une lance, parce que l’air le pousserait mieux.

» Quatrième expérience : Une meule de forgeron qu’on a lancée et qu’on abandonne à elle-même, continue de tourner ; cependant, ce n’est pas l’air qui la meut ; il ne pourrait mouvoir une masse aussi grande ; et la meule continue de tourner longtemps après qu’on a cessé d’agir sur elle…

  1. Collecta et exercitata Friderici Sunczel, lib. VIII, quæst. XI.