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LES UNIVERSITÉS DE L’EMPIRE

rapport auquel ils donnent le nom de lieu formel est détruit et remplacé par un autre lieu formel lorsque la surface logeante vient à changer, mais « qu’il demeure incorruptible par équivalence. »

« Ce que cette opinioû dit de l’identité et de l’immobilité du lieu, en déclarant qu’il les faut considérer au point de vue de l’équivalence et non pas au point de vue de l’existence réelle, nous l’approuvons et le louons ; mais ce qu’elle dit d’un rapport distinct de la surface, ce qu’elle dit de la surface qui est un accident du corps, distinct de ce corps, nous le nions, comme nous l’avons rappelé tout à l’heure. »

Nous eussions aimé que sa fidélité à la doctrine d’Ockam eût conduit Josse d’Eisenach à déclarer que le mouvement local ne suppose pas l’existence réelle d’un terme fixe, que ce terme fixe peut être seulement conçu. Cette vérité, il l’insinue, peut-on dire, en plusieurs passages de son discours, en celui-ci, par exemple : « De cette façon, il n’est plus nécessaire de supposer un centre et des pôles immobiles. » Mais en aucun cas, il ne la formule explicitement.

Le problème du lieu de la sphère ultime eût pu lui donner occasion de la formuler. Dans ce qu’il dit de ce problème, nous reconnaissons la croyance à l’existence d’un ciel empyrée immobile ; cette croyance, généralement délaissée d’Albert le Grand à Maître Albert de Saxe, avait repris vigueur chez nombre de maîtres parisiens du xve siècle ; Josse tient le même langage que ceux-ci[1] :

« Si par sphère suprême, dit-il, on entend celle qui, selon la foi et selon la vérité des choses est immobile, cette sphère n’est en un lieu ni à proprement parler (per se) ni par accident ; par sa nature, en effet, elle est immobile en sa totalité et en chacune de ses parties, et aucun corps ne l’entoure.

» Au contraire si, sous le nom de ciel, on entend là dernière des sphères mobiles, quel qu’en soit le rang, ce ciel-là est, en réalité, en un lieu proprement dit, car il existe Un corps qui l’enveloppe et le contient ; cette sphère n’est pas moins en un lieu qu’une quelconque des sphères contenues en elle.

» Aristote, toutefois, je le reconnais, pensait qu’elle n’était pas en un lieu proprement dit, de même façon que les autres corps, mais qu’elle était seulement en un lieu improprement dit, par accident, en vertu d’une économie avec les autres corps.

  1. Josse d’Eisenach, loc. cit., fol. suivant le fol. sign. biij, ro.