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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

Il enseigne que le lieu ne peut ni par soi, ni par accident, se mouvoir de mouvement local, tandis qu’il est susceptible de génération et de corruption, par suite du mouvement de son sujet. « Lorsqu’un lieu se corrompt, le lieu qui lui succède lui est identique, non pas en réalité, mais par équivalence. »

Telle était bien, en ses traits essentiels, l’opinion de Jean le Chanoine.

Comme Albert de Saxe et, sans doute, comme la plupart des maîtres qui enseignaient rue du Fouarre au xive siècle, Sunczel est plus soucieux de Physique que de Métaphysique ; les innombrables entités que multiplie le trop subtil Scotisme lui semblent quelque peu chimériques.

« Il y a des philosophes, dit-il[1], qui amplifient à plaisir le matériel des rapports et des formes ; ils posent six entités distinctes les unes des autres, trois dans le lieu et trois dans le corps logé. Dans le lieu, il y a d’abord la surface ou l’entité de la surface ; puis la locativitas par laquelle le lieu peut recevoir et contenir le corps ; enfin la locatio active, par laquelle le lieu contient actuellement le corps logé. Dans le corps logé, il a d’abord l’entité du corps logé, c’est-à-dire le contenu ; puis la locabiliias qui est l’aptitude de ce corps à être contenu ou logé ; enfin la locatio passive, par laquelle le corps est actuellement contenu et logé… Mais tous ces rapports n’existent pas dans la réalité ; ils sont seulement dans l’esprit de ceux qui les imaginent. Le lieu est-il ou non un rapport ? Un rapport est-il quelque chose ou n’est-il rien ? Aristote a-t-il ou non fait mention des rapports ? Ces questions sont objets de querelle entre métaphysiciens, mais non point entre naturalistes ni entre physiciens. »

Métaphysicien, Sunczel l’est peu ; il l’est même trop peu. La plupart des Scolastiques ont, avant lui, distingué deux éléments combinés entre eux pour constituer le lieu, un élément formel et un élément matériel ; le professeur d’Ingolstadt veut, lui aussi, considérer un lieu matériel et un lieu formel ; mais combien grossière est l’opposition qu’il établit[2] entre eux ! Le lieu matériel, c’est le corps contenant lui-même ; le lieu

  1. Collecta et exercitata Friderici Sunczel Mosellani, lib. IV, quæst. II : Utrum locus sit terminus sive ultimum corporis continentis.
  2. Frédéric Sunczel Op. laud., lib. IV. quæst. I : Utrum quilibet locus sit equalis suo locato. — Quæst. IV : Utrum diffinitio loci Aristotelis sit sufficiens.