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LES UNIVERSITÉS DE L’EMPIRE

« La présente question a été soulevée parce que certains ont dit que toute substance qui est grande est même chose que sa propre grandeur, De cette opinion furent les Platoniciens, les Pythagoriciens, Oresme et Ockam (Orem et Occan). Pour la même raison, ils tiennent que le mouvement est même chose que le mobile. Il y a une autre opinion qui est, maintenant, la vérité ; c’est que la grandeur est un accident ; de cette opinion sont Aristote, Albert et, communément, tous les philosophes modernes. »

Ce que nous venons d’entendre nous laisse entrevoir que notre auteur se séparera d’Ockam au sujet de la nature du mouvement local ; au gré du célèbre nominaliste, le mouvement local n’est pas du tout une certaine réalité purement successive distincte du mobile et du lieu ; le mouvement local d’un corps n’implique absolument rien hors de ces deux réalités permanentes : le corps mobile et le lieu dont, l’une après l’autre, il acquiert les diverses parties.

Sunczell affirme[1], au contraire, que « le mouvement est une chose purement successive dont, en réalité, la partie précédente et la partie suivante ne sont pas… Le mouvement local est réellement distinct de toute substance mobile et du lieu. »

Que le mouvement soit réellement distinct du mobile, cela est évident, car le mobile peut exister privé de tout mouvement. Qu’il soit également distinct du lieu successivement acquis, cela n’est pas moins certain, car il peut y avoir mouvement alors qu’aucune acquisition de lieu ne se produit : « Dieu peut mouvoir le Monde tout entier d’un mouvement de translation ; or, ici, il n’y a pas de lieu puisqu’il n’y a rien hors du Ciel ; et l’antécédent est cet article de Paris : Dire que Dieu ne peut mouvoir le Monde entier d’un mouvement de translation, c’est une erreur. »

L’opinion que soutient Sunczell au sujet du mouvement local, c’est celle qui avait été admise d’abord par Duns Scot, puis par Jean Buridan et par ses disciples ; et l’un des arguments essentiels qu’il fait valoir en faveur de cette opinion est tiré de cette décision d’Étienne Tempier qu’invoquait également, dans le même but, toute l’École de Buridan.

Nous venons de voir le professeur d’Ingolstadt rejeter certaines thèses occamistes que l’École de Paris avait égale-

  1. Friderici Sunczell Op. laud., lib. III, quæst. VI ; éd. cit., foll, sign. 1 2, voo, et 1 3, ro.