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LES UNIVERSITÉS DE L’EMPIRE

Monde, c’est une erreur. Et ainsi d’une infinité de propositions, dont le code théologique est rempli et bourré.

» Autrement, donc, on doit discuter selon la Religion, autrement selon la voie de la Physique — Aliter ergo secundum religionem, aliter secundum naturalem viam disputandum est. — Le Chrétien, d’une part, le Physicien, d’autre part, raisonnent justement, chacun à partir des principes qui lui sont propres. Et sic uterque, et pius, et naturalis, bene dicit ex suis principiis.

» En effet, si nous ne croyions bien souvent ce qui dépasse la nature et notre intelligence, nous n’aurions pas la foi, car Saint Grégoire dit : Là où la raison humaine fournit une preuve, la foi n’est pas méritoire.

» Dans la question proposée, il nous plaît de parler en toute liberté, et suivant la méthode d’Aristote. »

Au cours de la question suivante, Sunczell écrit[1] :

» Aristote n’a pu, par la raison naturelle, découvrir de quelle façon le Monde eût commencé, car rien ne vient de rien ; partant, selon cette voie naturelle, il n’a point erré, que dis-je, il a bien jugé en affirmant que le Monde n’avait pas eu de commencement ; c’est ce que tiennent Saint Thomas, Saint Bonaventure, Ockam et plusieurs autres. »

Conformément au principe que nous lui venons d’entendre affirmer, notre auteur opposera très souvent entre elles les conclusions auxquelles la méthode du physicien conduit à partir des principes fournis par la raison naturelle, et les conclusions qu’on peut déduire de prémisses enseignées par la foi.

Ce qu’il nommera prémisse enseignée par la foi, ce sera, dans nombre de cas, quelqu’une des négations posées, en 1277, par Étienne Tempier et par les théologiens de Paris ; à ces décisions, il attribue une autorité dogmatique que les Universités allemandes leur reconnaissaient en général, au cours du xve siècle ; de cette confiance, qui nous surprend aujourd’hui, nous avons déjà cité plusieurs exemples.

Nous ne sommes pas moins surpris lorsque nous lisons certaines propositions que Sunczell tenait pour requises’par l’orthodoxie chrétienne ; ce sont, bien souvent, propositions qui concernent uniquement la science physique et qui n’ont visiblement aucun lien avec le dogme catholique ; tel est, en

  1. Friderici Sunczell Op. laud., lib. VIII, quæst. III ; éd. cit., fol. sign. t, ro.