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LES UNIVERSITÉS DE L’EMPIRE

Ce qui limite les droits du prince, touchant la frappe des monnaies, c’est le souci du dommage que telle ou telle pratique pourrait causer à ses sujets ; tel est le principe posé par Jean Vate ; tel est aussi l’axiome dont Jean Buridan, dans ses Questions sur l’Éthique d’Aristote, déroule plus amplement les conséquences[1].

Ce que Buridan avait seulement examiné dans une assez courte question, Nicole Oresme en fit l’objet d’un traité complet ; de ce traité, comme de plusieurs de ses ouvrages, il donna deux rédactions ; l’une était en latin et avait pour titre : De origine, natura, jure et mutationibus monetarum ; l’autre, écrite en français, était ainsi désignée : Traictie de la première invention des monnoies ; de toutes deux, d’anciennes éditions avaient été données ; ce traité, chef-d’œuvre de clarté et de bon sens, a été publié de nouveau, en 1864, par les soins de L. Wolowski[2].

Gabriel Biel, à son tour, a donné un Tractatus de potestate et utilitate monetarum[3].

« En écrivant sur les monnaies, disait Charles Jourdain[4], il avait sous les yeux, comme il est facile de s’en assurer, l’ouvrage de Nicolas Oresme. On retrouve en effet, dans son opuscule, les mêmes divisions, les mêmes idées et jusqu’aux mêmes expressions que chez l’Évêque de Lisieux. »

Nous avons d’ailleurs, de la bouche même de Biel, l’aveu qu’il connaissait l’ouvrage du maître français. En effet, ce que développait son Traité du pouvoir et de l’utilité de la monnaie, il l’indiquait d’une manière plus sommaire dans son écrit sur les Sentences ; et là, il citait formellement[5] le Traité de la monnaie composé par Oresme, auquel il attribuait le prénom de Guillaume : « Ut dicit Guillelmus Orem in suo tractatu de moneta. »

Le professeur de Tubingue avait donc recueilli, nous le voyons, toute la tradition de Paris ; il est vrai que nous n’avons pas

1. Quaesiiones Joannis Buridam super decem libros ettricorum Aristotelis ad Nicomachum. Lib. V, quæst. XVII. Cet ouvrage de Buridan a eu de très nombreuses éditions.

2. Traictie de la première invention des monnoies de Nicole Oresme, textes latin et français d’après les manuscrits de la Bibliothèque Impériale, et Traité de la monnoie de Copernic, texte latin et traduction française. Publiés et annotés par M. L. Wolowski. Paris, 1864.

3. De cet ouvrage, Hain (Repertorium bibliographicum, n° 3.188) cite une édition, dénuée de toute indication typographique, qu’il attribue au xve siècle. D’autres éditions ont été données à Nüremberg, en 1542 et à Cologne, en 1574.

4. Ch. Jourdain, Op. laud., p. 34 du tirage à part.

5. Gabrielis Biel Collectorium in quatuor libros Sententiarum ; lib. IV, dist. XV, quæst. IX ; éd. cit., fol. sign. p, col. a.

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