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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

lumière qui est cause de la seconde et qui la conserve ? Dans le premier cas, vous avez ce qu’on se propose de démontrer ; le Soleil agit immédiatement à distance, encore que ce soit d’une façon partielle. Dans le second cas, le Soleil cause seulement, dans le milieu, une lumière qui est, à son tour, cause d’une autre lumière ; alors l’argument garde même force qu’avant ; cette lumière causée par le Soleil est un agent naturel ; elle illumine donc également toutes les parties du milieu équidistant. »

N’est-il pas curieux de voir Ockam, puis Biel, définir si nettement une difficulté qui devait si fort embarrasser Huygens et dont nul, avant Fresnel, n’entreverrait la solution ? N’oublions pas, d’ailleurs, qu’ils avaient été tous deux précédés par un auteur qui était peut-être Roger Bacon[1] et qui, dans le phénomène de la chambre noire, avait cru voir un effet attribuable à la diffraction, dont il ne pouvait soupçonner l’extrême petitesse. Biel, comme Guillaume d’Ockam, n’admet pas seulement que le Soleil éclaire à distance, sans le secours d’aucune species qui se propagerait au travers du milieu ; il en admet tout autant[2] « de l’aimant qui meut le fer distant, et ne meut pas le milieu, en sorte qu’il meut le fer d’une manière immédiate. » Le professeur de Tubingue ne se contente pas de suivre Guillaume d’Ockam et Grégoire de Rimini ; en maintes circonstances, il emprunte à l’École Nominaliste de Paris des autorités plus récentes.

S’agit-il, par exemple, de dire comment, en Dieu résident, de toute éternité, les idées des créatures ? Après avoir exposé et rejeté[3] la théorie de Marsile d’Inghen, il explique l’opinion « du Docteur », c’est-à-dire d’Ockam, « qui, en cette matière, au témoignage de l’Évêque de Cambrai (Pierre d’Ailly), donne une fort belle détermination ; cette opinion est aussi celle de Gerson dans son Traité de la vie spirituelle de l’âme. »

Gerson est certainement un des auteurs que Biel suit le plus volontiers. Dans les discussions de morale que soulèvent les questions de l’usure et du commerce, il invoque très fréquemment[4] le Traité des contrats de celui qu’il appelle parfois : Jean

  1. Voir : Seconde partie, Note relative au chapitre VII, t. III, pp. 513-515.
  2. Gabrielis Biel, loc. cit., col. b.
  3. Gabrielis Biel, Op. laud., lib. I, dist. XXXV, quæst. V ; éd. cit., fol. précédant immédiatement le fol. Nn j ; col. b et c.
  4. Gabrielis Biel Op. laud., lib. IV, quæst. XI et XII, passim.