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LES UNIVERSITÉS DE L’EMPIRE

parties du milieu ; à l’hypothèse de cette propagation, il avait, avec une singulière perspicacité, objecté la transmission rectiligne de la lumière ; justifiant la corrélation qu’il avait devinée, la Physique devait, un jour, montrer, que la lumière se transmet, en effet, de proche en proche ; mais elle devait aussi montrer qu’elle ne se transmet pas en ligne droite ; elle devait mettre en évidence les phénomènes de diffraction, conséquences nécessaires, comme Guillaume d’Ockam l’avait entrevu, d’une propagation par contact.

Or ces vues du Franciscain anglais sont reprises avec une précision plus grande par le professeur de Tubingue[1].

« Elle a une cause, la lumière intense qui est produite sur le mur lorsque le Soleil brille par la fenêtre, et elle n’est pas causée par l’illumination de l’air immédiatement voisin du mur, ni par quoique ce soit, si ce n’est par le Soleil, localement distant de ce mur.

» Qu’elle ne soit pas causée par une lumière rapprochée, en voici la preuve : Cette lumière-ci produirait alors tout autant de lumière dans n’importe quelle partie d’air aussi voisine. Cette conséquence est fausse et contraire à l’expérience. Or, que le raisonnement soit concluant, on le prouve ainsi : Une cause naturelle exerce une égale, action sur tout patient placé à égale distance ; or l’action du milieu est une action naturelle.

» Peut-être répéterez-vous l’objection qu’Ockam formule : Un milieu illuminé ne cause de lumière intense dans un autre milieu distant que si cette distance est en ligne droite. À quoi l’on répondra : De ce milieu illuminé à n’importe quelle autre partie du milieu, on peut tirer une ligne droite ; chaque partie du milieu en est donc distante en ligne droite.

» Direz-vous : La lumière du milieu est causée en vertu du Soleil ; ce milieu ne peut donc causer une lumière intense que dans une autre partie du milieu qui est en ligne droite avec le Soleil et avec lui-même ? Il faut que la ligne menée du Soleil, par le milieu éclairant, au milieu distant que l’on considère soit une ligne droite ? Je vous répondrai : Qu’est-ce que causer en vertu du Soleil ? Est-ce à dire que le Soleil concourt avec la partie éclairante du milieu pour produire immédiatement l’effet en question, c’est-à-dire la lumière ? Ou bien est-ce à dire que le Soleil cause immédiatement dans le milieu une première

  1. Gabrielis Biel Op. laud., lib. II, dist. IV, quæst. I ; éd. cit., fol. sign. ccj.