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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

sommaire, mais très claire, ce que le profond auteur avait dit à ce sujet :

« Lorsqu’on objecte : Alors, un infini peut être dépassé, un infini est plus grand qu’un autre, il faut répondre :

» Les mots : plus grand, plus petit, égal se prennent de deux façons.

» D’une première façon, ils expriment la comparaison, faite au moyen d’une certaine mesure, d’une certaine quantité à une autre quantité. Alors, on dit égales deux quantités qui ont même mesure ; plus grande, celle qui, d’une certaine quantité, en excède une autre ; moindre, celle qu’une autre dépasse d’une certaine quantité. De cette façon, ces qualifications ne sont pas attribuables aux infinis, car un infini n’est pas mesurable.

» D’une autre manière, ces termes sont pris dans un sens plus large (largius). En cette manière, deux choses égales, ce sont deux choses qui se- comportent l’une à l’égard de l’autre de telle sorte que tout ce qui se trouve en l’une, se trouve aussi en l’autre où y a son correspondant, et qu’en cette autre, il n’y a rien en outre. (Ut equalia sint aligna sic se habentia quod quicguid est in uno, id vel sibi correspondens est in alio, et nihil ultra). Si, par exemple, en toute partie proportionnelle d’une heure, Dieu créait une pierre, la multitude des pierres créées serait égale à la multitude des parties proportionnelles de l’heure, bien que chacune de ces deux multitudes fût infinie.

» De même, au sens large, une chose est dite plus grande qu’une autre si elle contient tout objet contenu en celle-ci ou un objet correspondant, et, avec cela, d’autres objets. (Et majus large dicitur quod continet omnia quæ continet aliud vel sibi correspondens, et cum hoc alia). Ainsi la multitude des parties d’un continu est plus grande que la multitude des parties de sa moitié ; et la multitude des parties de la moitié est moindre que la multitude des parties du tout. »

Souvent, d’ailleurs, en s’inspirant d’Ockam, il précise, il éclaire ce qu’avait dit le Venerabilis Inceptor.

Celui-ci, par exemple, avait affirmé qu’un moteur n’a pas besoin d’être immédiatement contigu au mobile qu’il met en branle ; élargissant cette proposition, il avait déclaré qu’un agent peut, sur un patient, agir à distance et sans intermédiaire ; que le Soleil, par exemple, éclaire directement le mur qui lui est exposé, et que cet éclairement n’est pas dû à une espèce transmise de proche en proche, du Soleil au mur, par les diverses