Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/17

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14
LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

on tua un grand nombre, voire la presque totalité, des prisonniers retenus, à titre d’Armagnacs, soit au Palais-Royal, soit au Grand ou au Petit Châtelet. » Au dire de Cousinot[1], les deux massacres du 12 Juin et du 20 Août firent périr « plus de trois mille cinq cents hommes, tant prélaz, seigneurs et barons, comme autres gens d’estat, de Paris et d’autres contrées. » « Quiconque avoit un bon bénéfice ou office, écrit de son côté Jean Juvénal des Ursins[2], il était tenu Armagnac et mis à mort incontinent. »

La terreur régnait à Paris ; tous ceux qui pouvaient quitter la ville se hâtaient de fuir. « Non seulement les membres de l’Université[3], mais encore l’évêque de Paris, Gérard de Montaigu, et tous les chanoines de Notre-Dame, à une dizaine près, prirent la fuite ; le Doyen du Chapitre, Jean Tudert, ne revint qu’en 1436, après l’expulsion des Anglais.

Les délégués de l’Université au Concile de Constance se gardaient bien de rentrer. Jean Gerson, qui avait quitté le Concile en mai 1418, s’en alla voyager en Allemagne ; lorsqu’à son tour, Jean sans Peur eût été assassiné, le 10 Septembre 1419, il osa regagner la France ; mais il ne dépassa pas Lyon et ne remit jamais le pied à Paris. Pierre d’Ailly semble[4] également n’avoir point revu l’Université où il avait tenu une si grande place.

Les sentiments favorables aux Bourguignons de l’antique Nation Anglaise, qui commençait à se nommer Nation Allemande, l’avaient protégée des massacres du 12 Juin et du 20 Août ; la plupart de ses maîtres jugèrent, sans doute, que la sauvegarde n’était pas suffisante pour l’avenir ; ils s’enfuirent en grand nombre. Au moment de dresser le rôle qu’elle envoyait annuellement au Pape, la Nation est obligée de décider[5] qu’elle tiendra pour présents même les absents, « s’ils se sont absentés par suite de la juste crainte qui peut frapper même un homme courageux (constantem virum), et s’ils le prouvent. » Et le 23 Août, Maître Jean Custodis de Brabant[6]

  1. Cousinot, La Geste des nobles, ch. CLXVII, p. 173. — Liber procuratorum…, t. II, note au bas de la col. 252.
  2. Jean Juvénal des Ursins, Histoire du règne de Charles VI, Paris, 1614 ; p. 353.
  3. Liber procuratorum…, t. II, note au bas de la col. 250.
  4. Feret, Op. laud., t. IV, pp. 214-215.
  5. Liber procuratorum…, t. II, col. 248.
  6. Liber procuratoram…, t. II, col. 250.