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LES UNIVERSITÉS DE L’EMPIRE

« Le repos naturel, disent-elles[1], est conforme à l’intention de la nature. En effet, si une chose se meut naturellement, c’est pour acquérir la forme à laquelle elle tend ; cette forme reçue, la chose demeure en repos au terme de son mouvement. Aussi le mouvement naturel se renforce-t-il d’autant plus qu’il approche davantage de son terme, car, au voisinage de ce terme, le mobile est mieux disposé à recevoir la forme.

» Le repos violent, au contraire, est engendré par le fait que la force violente fait peu à peu défaut au point de ne plus mouvoir ; par le défaut de cette force, le mobile, laissé à lui-même, demeure en repos ; aussi le mouvement violent s’affaiblit-il vers la fin. »

Qu’est-ce que cette force violente, cette virtus violenta ? Est-ce quelque impulsion communiquée au mobile part ce qui l’a lancé ? D’une telle force impulsive, Saint Thomas avait dit quelques mots, encore que ce fût pour en rejeter la supposition. Les Sententiæ uberiores n’en soufflent mot.

« On a montré, disent-elles[2], que tout mouvement a un moteur ; que ce moteur, parce qu’il est un corps, ne meut point à moins qu’il ne soit mû ; que, seul, le premier Moteur meut continuellement ; mais, dans l’exemple de la flèche, ces enseignements semblent rencontrer une objection.

» La flèche se meut, et elle n’est mue ni par le premier Moteur ni par un moteur qui soit mû à son tour ; et l’on voit son mouvement se continuer sans que le moteur en soit apparent.

» Il faut dire à ce propos que certains corps[3] ne possèdent pas de figures déterminées ; ces corps sont, en quelque sorte, des natures intermédiaires entre la matière première, et les corps parfaits ; en vertu du voisinage qu’ils ont avec la matière, ils possèdent une certaine spiritualité, en vertu de laquelle ils se laissent condenser, pénétrer et fouler en leurs diverses parties ; sinon, lorsqu’un corps est mis en mouvement, il faudrait que toutes choses fussent chassées et mise en branle jusqu’aux confins du Monde, comme il arrive pour les corps terminés [par des surfaces indéformables]. Si, d’autre part, ils pouvaient admettre une pénétration parfaite, un corps qui se meut dans l’air ou dans l’eau ne mettrait en mouvement que les parties du milieu qui le touchent immédiatement. Nous voyons, d’ailleurs, qu’au sein de l’eau, des mouvements divers ne se gênent pas les uns les <references/

  1. Sententiæ uberiores, lib. V, fol. qui précède le fol. sign. C, vo.
  2. Sententiæ uberiores, lib. VIII, dernier fol., vo.
  3. Au lieu de : corpora, le texte porte : correlaria.